Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/510

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optimiste et perfide avait opéré. Au demeurant, c’est d’un ton douloureux et pénétrant, mais sans colère, que la Chronique raconte la fin de la séance :

« Cependant la Commission des Douze sollicitait, comme une faveur, la justice d’être entendue ; on lui répondait en demandant la cassation. Quelques personnes ont voulu élever la voix pour elle, mais comment espérer de se faire entendre, lorsque les délibérations étaient des cris, et tout délibérait, depuis les tribunes les plus élevées, jusqu’au centre de la salle ? En vain on a réclamé plusieurs fois la levée d’une séance qui ne conservait plus aucun caractère de dignité, de liberté nécessaire pour rendre un décret ; en vain la partie droite de l’assemblée, en employant contre ses adversaires des armes que devraient s’interdire les deux partis, a arrêté longtemps toute délibération par un tumulte prolongé, la cassation de la Commission des Douze a été mise aux voix et décrétée, aux cris de joie des tribunes et d’un grand nombre d’assistants introduits dans la salle. La séance s’est levée à une heure du matin.

« On a fait quelques reproches à la Commission des Douze. Peut-être avait-elle usé avec trop peu de ménagement d’un pouvoir qu’il fallait modérer pour le rendre utile. Si ces reproches sont fondés, nous la félicitons d’avoir été cassée sans avoir pu se faire entendre ; mais nous en sommes affligés pour la Convention nationale. Ce n’est pas un grand malheur que de perdre son pouvoir, il passe en d’autres mains, et le gouvernement subsiste ; mais voir avilir son autorité en conservant des fonctions dédaignées, voilà le comble des maux dans un État libre. »

Ainsi gémissaient, sans désespérer encore, ceux des Girondins qu’avait débilités Garat. Au Patriote français c’est un autre accent. L’exaspération est d’autant plus violente, que la faction girondine, grisée par l’apparente énergie de la Commission des Douze, croyait, la veille encore, tenir la victoire. Dans son numéro du 27, le Patriote avait triomphé sans réserve :

« Le septembriseur Hébert n’est pas le seul qui soit arrêté. Le prédicant Varlet a éprouvé le même sort ainsi que plusieurs autres. D’autres sont en fuite. L’anarchie succombe. »

Et soudain, c’est la Commission des Douze qui succombait. Le Patriote accuse nettement Garat d’avoir machiné avec Pache toute la scène de la Convention. Tandis que la veille, dans le numéro du 27, il dit que « c’est sans doute pour prévenir une insurrection générale que les ministres Garat et Gohier se sont rendus cette nuit chez le maire Pache, « maintenant il dit que Garat fait à la Convention « un discours étudié », et il ajoute : « C’était sans doute pour préparer ce rapport que Garat avait été chez Pache la nuit précédente. » Puis, il reproche à Garat son ignorance affectée et son indulgence à l’égard des paroles terribles d’Hébert qui écrivait, il y a deux jours à peine : « C’est dans la Convention qu’est le foyer de la contre-révolution. La dernière heure des serpents de la plaine et des crapauds du marais va sonner ; le sang