Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/517

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rées les hideuses peintures de la jalousie, de l’ambition et de l’anarchie ; effacez, sur la porte du Palais national, le mot d’unité qui semble attendre des législateurs plus sages et des patriotes plus dévoués.

« … Si vous perdez cette occasion d’établir la République, vous êtes tous également flétris et pas un de vous n’échappera aux tyrans victorieux, vous aurez perdu les droits du peuple, vous aurez fait périr 300 000 hommes et l’on dira de vous : La Convention pouvait donner la liberté à l’Europe, mais par ses dissensions, elle riva les fers du peuple, et servit le despotisme par ses haines.

« Combien, au contraire, il sera beau de se dire Français, et d’appartenir à une nation qui, attaquée par les tyrans, aura montré le spectacle imposant d’un grand peuple sans esclaves et sans maîtres, sans vassaux et sans nobles, qui, sans cesse trahi par ses législateurs, par ses rois, par ses généraux, par ses ministres, par ses castes privilégiées, par ses propres enfants, se débattant contre la corruption que lui a léguée le despotisme en expirant, crée tour à tour, et contre les brigands qui l’infestent, des armées sur toutes les frontières et prépare la paix du monde contre les rois coalisés. »

Toute cette rhétorique d’union sonne douloureusement. Il était trop tard ; et le déchirement était accompli. Aucune parole ne pouvait désormais guérir les cœurs ulcérés. Danton sentait venir sur lui la défaite ; car il était vaincu de n’avoir pu maintenir, en effet, l’unité. C’était sa large conception révolutionnaire qui était brisée, mutilée par la brutalité des passions et des événements. Pendant qu’il allait ainsi, dans un chimérique effort de conciliation, jusqu’à se confondre avec la Plaine et à collaborer avec son chef, il gardait contact cependant avec les énergies révolutionnaires.

Il est malaisé de savoir au juste ce que furent ces conciliabules de Charenton où pendant toute cette période, Robespierre, Danton, Marat, échangèrent leurs vues.

Le girondin Dulaure dans ses Esquisses historiques des événements de la Révolution française, en donne une idée fantastique.

« Danton, Robespierre, Pache, etc., tenaient à Charenton des conciliabules secrets et y arrêtèrent le plan d’une attaque contre la majorité de la Convention. On y discuta, dit-on, la proposition de relever le trône des Bourbons et d’y placer le fils de Louis XVI ; mais il paraît qu’elle n’eut pas de suite. Là se trouvait un homme aspirant au pouvoir suprême, et peu disposé à s’en dessaisir lorsqu’il l’aurait obtenu. Les conjurés mirent dans leurs secrets quelques militaires supérieurs et les chargèrent de l’exécution. »

C’est dans ces conciliabules que fut arrêté, selon Dulaure, tout le plan qui se développa en mai, et notamment la réunion des délégués des sections à l’Évêché le 15 mai. Mais comment accorder le moindre crédit à un historien qui rapporte sérieusement que Pache, Robespierre, Danton, Marat délibérèrent sur la restauration des Bourbons ?