Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/526

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La réunion de l’Évêché se préoccupait beaucoup d’être acceptée par les Jacobins et par la Commune. Ou plutôt elle tentait de s’imposer par son audace à toutes les autorités constituées, à toutes les forces organisées de la Révolution. Aux Jacobins, c’est Dufourny, un des hommes les plus ardents du directoire du département, et Boissel, maratiste extrême, et même communiste, qui servaient de lien entre la Société et l’Évêché. Dès la séance du 27, Dufourny disait aux Jacobins :

« J’ai annoncé à la Société qu’il y aurait demain, à l’Évêché, à cinq heures, une assemblée composée des électeurs et des patriotes. »

Il essayait de donner ainsi à la réunion de l’Évêché figure officielle, d’habituer les Jacobins à compter sur elle pour les coups hardis que chacun pressentait. Dans la soirée même du 29, comme Grots de Luzenne obtient la parole pour communiquer une observation qu’il a recueillie, et qui annonce une grande conspiration, Boissel l’interrompt presque violemment :

« Le club de l’Évêché a nommé une commission pour recueillir toutes les mesures de salut public ; si le citoyen qui est à la tribune a des mesures à proposer il peut s’adresser à ce comité. »

Par là l’Évêché était en quelque sorte présent aux Jacobins en cette soirée du 29. Si Hébert, incarcéré et libéré comme Varlet, présentait celui-ci aux patriotes et le recommandait à leur sympathie, ce n’était pas seulement par une sorte de solidarité toute sentimentale avec un compagnon d’épreuve. Hébert, qui ne tenait pas du tout à être arrêté de nouveau, et qui se disait que si la Commission des Douze, un moment matée, reprenait l’offensive, elle irait cette fois jusqu’au bout, Hébert savait que c’est du côté des Enragés qu’étaient les plus grandes ressources d’action et d’audace, et il se liait à eux pour ne pas périr. Voilà pourquoi il dit aux Jacobins, le soir même du 29 mai, comme en témoigne, non le procès-verbal toujours prudent, mais une note publiée par Bergoeing : « Le peuple peut et doit courir sus à la Commission des Douze ». C’est ce souffle insurrectionnel que Robespierre sentit passer sur lui. Mais quand il mit en jeu la Commune, quand il lui signifia que c’était à elle à agir et à combattre, n’était-ce pas une réponse indirecte et infiniment prudente aux véhémences d’Hébert ? Pourquoi le substitut de la Commune venait-il jeter des paroles enflammées dans la Société des Jacobins qui n’avait pas mandat de défendre Paris, et pourquoi n’assumait-il pas, avec la Commune même dont il était un des principaux membres, les responsabilités décisives ?

La Commune ne paraissait pas disposée à un rôle actif et de premier plan. Elle aussi, elle attendait l’initiative révolutionnaire des sections ; dès le 29, l’Évêché est le vrai centre d’action révolutionnaire. Lorsque selon la motion votée à l’Évêché, une députation du club électoral se rend, immédiatement, et dans la séance même du 29, à la Commune, pour inviter le Conseil « à nommer provisoirement un commandant patriote », la Commune sent bien