Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/542

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les mesures nécessaires pour conserver sa liberté. Il retire les pouvoirs de toutes les autorités constituées. »

La Commune n’avait plus qu’à céder ; et elle cédait volontiers, un peu pour dégager sa responsabilité en ces heures redoutables et aussi parce qu’elle était entraînée par l’élan révolutionnaire des sections. Le vice-président du Conseil général s’appliqua à donner un air de légalité et de liberté à la soumission forcée de la Commune. Ce n’était pas devant la sommation de la force, c’était devant la souveraineté populaire, devant le vœu manifeste de la majorité des sections, qu’elle s’inclinerait :

« Citoyens, nous n’avons de fonctions que dans Paris. Les seuls citoyens de cette ville sont nos commettants ; c’est leur confiance qui nous a faits magistrats ; si leur confiance vient à cesser, notre magistrature cesse à l’instant même, car nous n’avons plus ni autorité, ni force, ni moyens quelconques, pour défendre les intérêts de la Commune, pour opérer aucun bien.

« Il n’est aujourd’hui personne qui ose révoquer en doute que du peuple vienne la toute-puissance, et que c’est pour lui seul et en son nom qu’elle doit être exercée ; de là cette conséquence universellement avouée que si le peuple a le droit d’instituer, il a aussi celui de destituer. Mais ce droit, qui est incontestable pour tous, ne l’est pas pour quelques-uns seulement ; son usage partiel ne peut avoir lieu ; il exige une majorité réelle, évidente, et légalement obtenue.

« Si vous avez cette majorité, citoyens, si vous en justifiez, nous vous remettrons aussitôt nos pouvoirs qui n’ont plus d’existence. Vouloir les retenir ne serait, de notre part, ni courage ni vertu, ce serait témérité et crime.

« Mais, à défaut de cette majorité telle qu’il ne puisse y avoir aucune incertitude sous aucun rapport, n’attendez pas de nous une complaisance qui ne serait que pusillanimité. Prêts à céder, comme c’est notre devoir, à la volonté de tous, nous saurons par devoir aussi résister au caprice du petit nombre. Il serait une tyrannie, et nous avons juré de n’en souffrir aucune.

« Citoyens, vous auriez beau prononcer sans droit notre destitution, vous ne nous la feriez point accepter. La menace et la violence même seraient vaines ; on pourra nous arracher de nos sièges, on ne pourra jamais nous en faire descendre. Je lis dans les yeux et dans les cœurs de tous mes collègues qu’il n’est pas un seul d’entre eux qui ne soit résolu à mourir, s’il le faut, sur son banc, comme je recevrais la mort sur ce fauteuil. »

Était-ce, comme le dit Mortimer-Terneaux, vaine affectation de courage dans une comédie réglée d’avance et tartufferie de légalité ? Je ne le crois pas. La Commune se rendait compte qu’elle serait inhabile à l’action révolutionnaire dont la nécessité éclatait. Mais elle savait aussi qu’elle était restée populaire jusque dans les sections, qu’elle représentait encore une grande force. Et elle voulait bien se plier à de nouveaux cadres de révolution, elle ne voulait point être humiliée. Sur un réquisitoire de Chaumette, Dobsent pro-