Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/558

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conserver des otages. Il est donc vrai que la fougue insurrectionnelle de l’Évêché est ralentie et amortie par sa collaboration avec la Commune. Il est vrai que le Conseil général révolutionnaire ne se jette pas aux mesures extrêmes comme le Comité révolutionnaire. Mais il ne faut pas oublier que la Commune a été réinvestie révolutionnairement, que les délégués révolutionnaires des sections présidés par Dobsent sont mêlés à elle, et qu’il n’y a entre elle et l’Évêché aucune opposition fondamentale. La Commune, en ce jour, fait, au contraire, du Comité révolutionnaire son organe exécutif. Elle applaudit aux décisions les plus vigoureuses des sections : par exemple à celle de la section du Bon-Conseil qui s’oppose au départ de tous les courriers de la poste, et qui met en état d’arrestation, à leur poste, tous les administrateurs et même les chefs de bureau. Elle adopte surtout une grande mesure révolutionnaire qui avait pour objet de prolonger l’insurrection, de tenir le peuple en armes tant que la Gironde ne serait pas vaincue. Elle décide, sur une motion du Comité révolutionnaire, « qu’il sera accordé 40 sous par jour aux citoyens peu fortunés tant qu’ils resteront sous les armes. » Il y a donc contrariété sourde entre les prudents, ceux qui représentent plus particulièrement la tradition de la Commune, et les violents qui veulent précipiter la bataille. Et cette contrariété s’exprime par un mouvement lent. Mais il n’y a pas, à proprement parler, conflit ; et il est certain que, dès que la tactique à demi temporisatrice se sera révélée insuffisante, c’est avec ensemble que toutes les forces de la Commune et de l’Évêché se rallieront à une tactique plus décisive et plus brutale.

À la Convention aussi, la Montagne, surtout la Montagne robespierriste, était résolue à aboutir. Son salut, non moins que le salut de la Révolution, lui en faisait une loi. Elle était condamnée à vaincre ou à périr. Si, après ces journées de crise, la Gironde l’emportait, elle exercerait à coup sûr des représailles décisives.

Levasseur dit très nettement, dans ses Mémoires, que les Montagnards étaient obligés de frapper s’ils ne voulaient pas succomber eux-mêmes.

« La mêlée une fois engagée, il ne s’agissait plus que de triompher et de prouver, suivant la menace de Danton, que nous pouvions égaler nos adversaires en prudence et en vigueur révolutionnaire. Dès l’instant où nous avions dit : nous résisterons, dès l’instant où la Commission des Douze avait annoncé le dessein de poursuivre les traîtres jusque sur la Montagne, les discussions de collègue à collègue avaient fait place à une guerre à mort, et certes ce n’est pas nous qu’on peut accuser d’avoir caché nos projets. Qu’on ne dise donc plus que nous avons agi avec perfidie en appelant l’insurrection à notre aide ; cette insurrection, nous en avions donné le signal au milieu de nos ennemis en force ; d’ailleurs, eux aussi voulaient notre expulsion, notre accusation, notre mort ; s’ils n’ont pas réussi à lancer contre nous les gardes nationales, c’est la force qui leur a manqué, et non la bonne volonté… L’épée était