Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/573

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l’assemblée, en rendant justice aux motifs patriotiques qui ont dicté cette mesure au Comité de salut public, je dois la combattre. En effet, qu’est-ce que la force armée qu’on veut mettre à la disposition de la Convention ? Ce sont des citoyens armés pour défendre leur liberté contre les scélérats qui les trahissent, et il y en a dans l’assemblée. De quoi se composent les délibérations de la Convention ? n’est-ce pas des individus dénoncés par Paris ? et nous avons trop d’exemples que nos délibérations ont été dirigées par ces mêmes hommes, mais n’ai-je pas aujourd’hui même entendu faire la proposition de poursuivre les meneurs de l’insurrection qui vient d’éclater ? Il est donc ici des hommes qui voudraient punir cette insurrection ? Ce serait donc une absurdité de remettre entre leurs mains la force armée. Mais les mesures proposées par le Comité sont-elles les seules que vous devez adopter ? Les pétitionnaires ne vous en ont-ils pas proposé de capables de sauver la chose publique ? Les propositions que j’ai combattues peuvent-elles empêcher l’armée d’être trahie ? Non, il faut purger l’armée ; il faut…

« — Concluez donc », crie Vergniaud énervé, impatient sans doute de remonter à la tribune et de chercher, dans l’éclat possible d’un triomphe oratoire, la revanche du mortifiant échec sous lequel il était accablé.

« Oui, je vais conclure, et contre vous ; contre vous qui, après la révolution du 10 août, avez voulu conduire à l’échafaud ceux qui l’ont faite ; contre vous qui n’avez cessé de provoquer la destruction de Paris ; contre vous qui avez voulu sauver le tyran ; contre vous qui avez conspiré avec Dumouriez ; contre vous qui avez poursuivi avec acharnement les mêmes patriotes dont Dumouriez demandait la tête ; contre vous dont les vengeances criminelles ont provoqué ces mêmes cris d’indignation dont vous voulez faire un crime à ceux qui sont vos victimes. Hé ! bien ! ma conclusion c’est le décret d’accusation contre tous les complices de Dumouriez et contre ceux qui ont été désignés par les pétitionnaires. »

Vergniaud qui, dès les premiers mots de Robespierre, avait demandé la parole, ne répondit pas. Encore humilié de sa fausse tentative, fut-il abandonné de cette inspiration qui suppose la confiance en soi ? Désespéra-t-il d’égaler en vigueur les dernières paroles de Robespierre, aiguisées soudain et coupantes ? Était-ce lassitude en cette fin de journée émouvante et épuisante ? Peut-être aussi la réserve gardée par la Convention à l’égard des dernières propositions claires et brutales de Robespierre, avertit Vergniaud qu’il valait mieux ne pas engager le combat à fond. Visiblement, la Convention ne voulait ni couvrir la Gironde ni la livrer, et la motion transactionnelle du Comité de salut public ralliait les esprits. Le décret proposé par Barère fut adopté à une très grande majorité, et il fut décidé qu’il serait publié immédiatement dans Paris. Sur la motion de Lacroix, la Convention approuve l’arrêté qui donnait quarante sous par jour aux ouvriers qui resteront sous les armes jusqu’au rétablissement de la tranquillité publique. Elle décide aussi que les tribunes