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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/581

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« Un membre propose d’afficher à la porte de la salle l’improbation formelle de toute proposition tendant à violer la représentation nationale. »

Oui, voilà les vingt-deux sous la protection officielle de la Commune. Celle-ci pourtant s’effraya de son glissement, et elle éluda la motion décisive :

« L’on observe que cette improbation est dans les cœurs, que les citoyens et les autorités constituées de Paris sont trop pénétrés de leur devoir pour avoir besoin d’en être avertis. »

Ce n’est pas pour la Commune une heure glorieuse : elle est toute de défaillance, de fausse agitation, d’impuissance systématique et d’hypocrisie. Mais qui ne sent qu’elle va être débordée, soulevée ?

La manœuvre de Vergniaud félicitant les sections avait d’abord surpris : les commissaires de la Commune, chargés de correspondre avec la Convention nationale, quand ils écrivirent au Conseil dans l’après-midi lui dirent : « C’est sur la proposition de Vergniaud, ce qui vous étonnera peut-être ». Et qui sait si elle n’avait pas contribué un peu à cette détente, à ce fléchissement du Conseil général de la Commune ? Mais, à la réflexion, les révolutionnaires d’action comprirent le parti qu’ils en pouvaient tirer. Les sections glorifiées, la force populaire félicitée : c’était, sous des formes suspectes, une capitulation essentielle de la Gironde. L’ennemi avait donc peur : il fallait le pousser à fond. Levasseur, dont les impressions sont si nettes, assure que pour la Montagne ce fut un triomphe. « Le Marais abandonnait la Gironde, ou plutôt les Girondins s’abandonnaient eux-mêmes : car en présence des bataillons armés contre eux, au son du tocsin, du canon d’alarme et de la générale, Vergniaud proposa de déclarer que les sections de Paris avaient bien mérité de la patrie. On pense bien que cette motion inexplicable de sa part fut accueillie de notre côté avec joie ; la Commune elle-même en triompha : il lui était prouvé par ce seul fait que ses adversaires n’avaient ni la volonté ni le front de combattre. »

Aux Jacobins, le soir, la journée fut jugée d’une vue plus nette et d’un cœur plus ferme qu’à la Commune. Les députés qui se rendaient parmi eux au sortir de la Convention avaient vu la bataille de son centre même : ils dominaient l’horizon de plus haut que la Commune qui était restée en quelque sorte tout le jour dans un pli de terrain, attendant des nouvelles et n’agissant pas. Pourtant les Jacobins non plus ne conclurent point. Ils virent bien ce qu’il y avait de dangereux et de captieux dans la manœuvre de Vergniaud : c’était l’appel au peuple vaste et diffus, appesanti encore par bien des instincts de servitude et des préjugés conservateurs, contre les comités révolutionnaires, contre les groupes agissants et résolus. Guadet n’avait-il pas déjà exprimé sa confiance dans les présidents des sections ? Boissel signala le péril :

« Il faut que les sections se constituent en sociétés populaires : elles ne doivent pas se mêler des affaires publiques ; autrement elles rendraient tout à fait inutiles toutes les mesures révolutionnaires que les représentants dé-