Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/591

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Mais quand le Comité de salut public chargeait Marat de maintenir la tranquillité publique, il s’engageait par là même à y mettre le prix marqué par Marat, c’est-à-dire à en finir avec la Gironde.

« Le maire annonce l’objet de ma mission ; je prends la parole en ces mots (je rapporte fidèlement mon discours, parce que la plupart des journalistes soudoyés l’ont malignement tronqué et défiguré) : « Citoyens, le Comité de salut public est occupé de grandes mesures pour punir et réprimer les traîtres, restez levés, déployez vos forces, et ne posez les armes qu’après avoir obtenu une justice éclatante, après avoir pourvu à votre sûreté. »

« Le président, que je sais modéré (c’est Destournelles), voulant m’engager à sanctionner ses conseils, me demande s’il est vrai qu’un peuple trahi et soulevé contre les traîtres doit s’en rapporter uniquement à ses magistrats et n’employer que les moyens prescrits par la loi pour se rendre justice. Je sentis le piège, et je répondis à son apostrophe en ces termes : « Lorsqu’un peuple libre a confié l’exercice de son pouvoir, le maintien de ses droits et de ses intérêts à des mandataires choisis par lui, tandis qu’ils sont fidèles à leurs devoirs, il doit, sans contredit, s’en rapporter à eux, respecter leurs décrets, et les maintenir dans le paisible exercice de leurs fonctions. Mais lorsque ces mandataires abusent continuellement de sa confiance, lorsqu’ils trafiquent de ses droits, trahissent ses intérêts, qu’ils le dépouillent, le ruinent, l’oppriment, et qu’ils machinent sa perte, alors le peuple doit leur retirer ses pouvoirs, déployer sa force pour les faire rentrer dans le devoir, punir les traîtres et se sauver lui-même. Citoyens, vous n’avez plus de ressource que dans votre énergie, présentez à la Convention une adresse pour demander la punition des députés infidèles de la nation ; restez levés, et ne posez les armes qu’après l’avoir obtenue. »

« Plusieurs membres de la Commune m’invitèrent à passer au comité révolutionnaire ; je leur représentai que mon poste était à la Convention, et j’allai au Comité de salut public rendre compte de ma mission.

« Il s’agissait de convoquer l’Assemblée, et il était impossible d’en charger le président ; la plupart des membres étaient dispersés, et on ne savait où les trouver. Maison battait la générale dans différents quartiers ; le tocsin sonnait et le canon d’alarme allait tirer. Il était donc tout simple d’attendre que les députés se rendissent à leur poste. »

Heure étrange, où c’était en somme le tocsin et le canon d’alarme qui étaient chargés de convoquer la Convention pour qu’elle reçût l’adresse des sections. Le tocsin disait aux députés : Venez ! et le canon d’alarme disait aux délégués révolutionnaires : Vous avez la parole. Marat avait un moment secoué et enfiévré la Commune. Lui parti, elle retombe à son indécision, et le procureur s’oppose à ce que l’on fasse tirer le canon et sonner le tocsin « pour ne pas fatiguer les citoyens ». Mais ni les cloches ni le canon n’atten-