Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/592

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daient le signal de l’hésitante Commune, et la ville s’emplissait de vibrations révolutionnaires.

Cependant était-il possible d’espérer que la Convention cèderait le soir même ? Un moment les plus exaltés le crurent. Le Lyonnais Leclerc s’écria aux Jacobins dans une sorte de transport révolutionnaire :

« Je serai court : l’agonie des aristocrates commence ; le tocsin sonne, le canon d’alarme a été tiré ; la Commune est debout ; le peuple se porte à la Convention ; vous êtes peuple, vous devez vous y rendre. »

Cette faible tête se grisait des sonneries violentes, et croyait tout possible quand les cloches avaient parlé.

« Restons ici, dit un militaire, nous sommes à notre poste pour sauver la chose publique. — Non, dit un autre citoyen : le poste des patriotes est au Conseil général de la Commune et dans les comités révolutionnaires » ; et les Jacobins, vers dix heures, se dispersèrent, emportant au vent tiède de la nuit leur fièvre incertaine.

Henriot n’avait probablement pas eu le temps de rassembler ses bataillons fidèles, de les grouper à part et de les porter tout autour de la Convention, ainsi isolée des sections modérées. En tout cas, il n’avait pu leur communiquer encore le mot d’ordre.

« Les sections rassemblées (c’est le récit de la Chronique de Paris) se sont portées sur la Convention avec leurs canons, la force armée en a investi toutes les approches ; le Pont-National, les quais, les Tuileries, et toutes les rues adjacentes ont été occupées par divers bataillons. On a bientôt connu la cause de ces rassemblements… les citoyens armés sont demeurés sur la place jusqu’à une heure du matin ; on leur a fait porter du pain.

« Ces rassemblements, en réunissant quelques sections, ont produit quelques scènes touchantes ; la section de 1792, celle de la Fraternité, calomniées comme celle de la Butte-des-Moulins l’avait été, ont offert le spectacle de la réunion, de la concorde et de l’amitié. »

Non, l’action décisive ne serait point pour cette nuit-là ; les sections mal averties encore retombaient dans les tâtonnements vagues du 31 mai. Et c’est peut-être pour les organiser en vue de l’opération du lendemain que la Commune et le comité révolutionnaire rappelèrent, sous prétexte déménager leurs forces, les patriotes armés.

Pourtant l’effet de cette soirée ne fut pas perdu. Les douze délégués de la Commune et les six délégués du comité révolutionnaire purent lire leur adresse impérieuse à la Convention.

C’était Hassenfratz qui parlait en leur nom. Avait-il été choisi pour protester contre la calomnie de Lanjuinais, auquel il venait d’adresser une véhémente lettre de rectification ?