Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/613

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ritoires. Outre ce fédéralisme géographique et politique, il existait dans plusieurs villes un fédéralisme civil entretenu par la correspondance des députés attachés à ce parti, en sorte que les administrations agissaient dans un sens opposé à celui de la Convention. Il y avait souvent isolement de ville à ville, suivant que les autorités tenaient pour la Gironde ou pour la Montagne. Il en résultait un déchirement dans le gouvernement, qui aurait fini par la guerre civile. Il avait été reconnu plusieurs fois, au Comité de salut public, qu’il était impossible de faire marcher le gouvernement avec ce tiraillement ; la disjonction était évidente et prochaine. Il fallait donc prendre un parti ; la Commune de Paris se crut en droit de dicter des conditions, à tort, sans doute, mais si la Convention eût agi dans son sein, il n’y eût point eu violence au dehors. »

Or, à peine la Gironde fut-elle vaincue, il apparut que le fédéralisme de résistance dont elle était le lien apparent n’avait aucune force interne d’organisation et d’unité. Ce fut la dispersion des pensées et des efforts. Quand les Girondins frappés par la Convention se jetèrent aux départements, ils tombèrent dans un abîme aux tourbillons distincts et incohérents : ils ne purent créer aucun courant énergique.

« Il n’y eut point, dit Baudot, uniformité de vues dans les différents pays et dans les villes qui se soulevèrent contre la Convention après le 31 mai. À Caen, devenue la capitale de la Gironde, les gens riches de la ville et ceux des campagnes ne voulurent point entendre parler des théories gouvernementales des Girondins. Les jeunes gens, sans doute par le conseil de leurs familles, entendaient se soulever tout simplement pour rentrer dans le système de l’ancien régime, ils voulaient des droits féodaux, des privilèges, de la noblesse et toute la hiérarchie de la royauté. Le général Wimpfen entendait coordonner l’insurrection du Calvados avec les projets des armées d’outre Rhin.

« Le député Biroteau, envoyé à Lyon par le Comité central de la Gironde, n’eut aucun succès dans cette ville ; les insurgés s’associèrent presque tous à Précy, qui voulait un roi héréditaire de l’ancienne dynastie.

« Toulon consentit à se livrer aux étrangers, sans conseil et même sans correspondance avec les Girondins.

« Marseille combattait pour être la capitale du Midi.

« Bordeaux même ne voulait pas reconnaître la Convention, mais ne fit aucune démonstration pour organiser un mouvement en faveur de ses députés.

« La Vendée continua ses levées en faveur des nobles et des prêtres, et ne s’occupa nullement de la Gironde.

« En sorte que les soulèvements après le 31 mai furent un prétexte, et que nulle part les Girondins ne trouvèrent d’appui à leur système.