Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/623

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journaux girondins, celui de Condorcet comme celui de Brissot, n’étaient pas fâchés de dénoncer le bigotisme démocratique de cet « esprit prêtre », allié contre les lumières du bigotisme janséniste ; et ils forçaient les choses en ce sens.

À propos des séances du 15 et du 16 décembre 1792, où Jacob Dupont, Ducos, Lequinio répondirent à Durand-Maillane, le Patriote français dit :

« Jacob Dupont a sapé d’une main courageuse l’empire des prêtres, que nos anarchistes veulent raffermir. Danton avait parlé des consolations que l’on veut enlever au peuple, en le délivrant du joug sacerdotal. Dupont a observé qu’il ne voyait rien de fort consolant pour un moribond d’entendre un prêtre lui débiter des contes auxquels il ne croit pas lui-même, et il a opposé à ce tableau Condorcet recueillant le dernier soupir de d’Alembert.

« C’était un spectacle curieux pour un observateur de voir, d’un côté le calme de l’orateur philosophe, et de l’autre les mouvements, les contorsions, les cris d’une partie de la Montagne, et surtout des prêtres et des évêques qui se trouvent encore, quoique en petit nombre, dans la Convention. On eût dit (j’emprunte à ces messieurs un objet de comparaison) que Dupont était un exorciste au milieu d’une bande de possédés. »

Et Condorcet dit dans la Chronique de Paris :

« Lequinio et Ducos ont soutenu l’utilité, la nécessité d’instruire le peuple, l’un comme un philosophe qui s’est dévoué depuis longtemps à instruire les habitants des campagnes, à défendre leurs intérêts ; l’autre, avec cette finesse d’esprit et de goût que la philosophie et l’amour de la liberté voudraient voir opposer plus souvent à cette barbarie de style et d’idées dont on semble se plaire à nous donner le précepte et l’exemple. »

Polémiques et épigrammes ! La Gironde (ce n’est point pour Condorcet que je dis cela) se laissait aller, pour taquiner Robespierre, au delà de sa propre pensée. Elle était tout entière d’accord avec Ducos, avec Lequinio, avec Jacob Dupont, pour proposer une instruction libre de toute attache confessionnelle, pour glorifier la philosophie et la science. Mais Jacob Dupont allait au delà, et il professait publiquement l’athéisme auquel la plupart des Girondins répugnaient presque autant que Robespierre.

Mais l’agression de Durand-Maillane contre les lumières avait excité les esprits, et les orateurs rationalistes défendaient la pensée générale de Condorcet avec une véhémence antichrétienne où Condorcet lui-même n’avait pas abondé.

Ducos fut très net et très vif :

« Un orateur (Durand-Maillane) a paru affligé de voir les prêtres exclus du plan d’enseignement public proposé par le Comité. Je ne ferai point à la Convention l’injure de justifier cette séparation entre l’enseignement de la morale qui est la même pour tous les hommes, et celui des religions qui varient au gré des pieuses fantaisies et de l’imagination. Cet opinant sans doute n’au-