Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/629

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France républicaine si, en effet, elle avait pu secouer en quelques jours les préjugés anciens, et instituer dans tous les esprits, non pas je ne sais quelle formule d’athéisme officiel, mais une conception rationnelle et scientifique du monde et de la vie.

La liberté politique eût été invincible, et l’évolution économique elle-même eût été profondément modifiée dans le sens de la justice sociale, d’un plus large souci du bien-être, des forces et de la dignité des prolétaires. Mais pour l’œuvre immense et audacieuse que rêvait Dupont, qui scandalisait Robespierre et qui effrayait Danton, il aurait fallu au moins l’union de toutes les forces révolutionnaires. Et déjà elles se déchiraient. Peut-être, après plus d’un siècle, une république profondément pénétrée de socialisme pourra-t-elle, s’élevant au-dessus de la menteuse neutralité, instituer vraiment dans toutes les écoles nationales, à tous les degrés, un enseignement de pure raison, de science et de liberté.

Jacob Dupont conclut par un appel aux forces productives renouvelées, multipliées par la science.

« Enfin le système de Durand-Maillane, en circonscrivant dans des bornes très étroites la matière de l’enseignement, en privant les pauvres d’instruction, en ne voulant pas que tous ses degrés soient gratuits, nuit à la perfectibilité de l’espèce humaine, au progrès de la raison, au jet et à raffermissement des principes républicains, des vertus et des passions républicains dans toute l’Europe.

« Paris a d’ailleurs de très justes raisons pour empêcher ce système de prévaloir, système qui n’a malheureusement que trop de partisans, même parmi les républicains de marque. Paris a fait des pertes considérables. Il est privé d’un commerce de luxe, de cet éclat factice qui se trouvait à la cour et qui attirait les étrangers. Eh bien, il faut que les sciences, les lettres, les arts concurremment avec le commerce, lui fassent réparer ses pertes. Avec quel plaisir je me représente nos philosophes, qui ont tant rendu de services à l’humanité, à la Révolution, et qui en rendront tant encore à la République, malgré la calomnie ; avec quel plaisir je me représente, dis-je, nos philosophes, dont les noms sont connus dans toute l’Europe, Pétion, Sieyès, Condorcet et autres, entourés dans le Panthéon, comme les philosophes grecs à Athènes, d’une foule de disciples venus de différentes parties de l’Europe, se promenant à la manière des péripatéticiens, et enseignant, celui-là le système du monde, développant ensuite le progrès de toutes les connaissances humaines, celui-ci perfectionnant le système social, montrant dans l’arrêté du 17 juin 1789 le germe de l’insurrection du 14 juillet, du 10 août et de toutes les insurrections qui vont se faire avec rapidité dans toute l’Europe, de telle manière que les jeunes étrangers, de retour dans leur pays, puissent y répandre les mêmes lumières et opérer, pour le bonheur de l’humanité, les mêmes révolutions, ce qui sera le complément de la réponse qui reste à faire à