Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/637

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est sacrée et ce droit a reçu de votre premier décret une nouvelle et authentique garantie.

« La mesure la plus douce comme la plus efficace de rapprocher l’immense distance des fortunes et de corriger la bizarre disparité que le hasard de la propriété jette entre les citoyens, se trouve dans le mode de répartir les charges publiques. Soulager celui qui a peu, que le poids porte principalement sur le riche : voilà toute la théorie, et j’en trouve une très heureuse et bien facile application dans la nouvelle charte qui va résulter de l’établissement de l’institution publique.

« En deux mots, l’enfant du pauvre sera élevé aux dépens du riche, tous contribuant pourtant dans une juste proportion, de manière à ne pas laisser à l’indigent même l’humiliation de recevoir un bienfait.

« Un calcul simple va établir ce résultat jusqu’à l’évidence.

« Je propose que dans chaque canton la dépense de la maison d’institution publique, nourriture, habillement, entretien des enfants, soit payée par tous les citoyens du canton, au prorata de la contribution directe de chacun d’eux. Pour rendre la proportion plus sensible, je prends l’exemple de trois citoyens.

« Je suppose l’un ayant tout juste les facultés requises autrefois pour être citoyen actif, c’est-à-dire payant la valeur de trois journées de travail, que j’évalue à trois livres. Je suppose à l’autre un revenu de mille livres qui lui produit deux cents livres d’imposition. Enfin, je donne à l’autre cent mille livres de rente, pour lesquelles il paie une contribution de vingt mille livres.

« Maintenant j’évalue, par aperçu, la taxe pour l’éducation commune des enfants à une moitié en sus de la contribution directe. Quelle sera la portion contributive de ces trois citoyens ? L’homme aux trois journées de travail paiera, pour la taxe des enfants, une livre dix sous. Le citoyen qui a mille livres de revenu y contribuera pour cent livres. Et celui qui est riche de cent mille livres de rente mettra pour sa part dans la taxe dix mille livres. Comme vous voyez, c’est un dépôt commun qui se forme de la réunion de plusieurs mises inégales ; le pauvre met très peu, le riche met beaucoup ; mais lorsque le dépôt est formé, il se partage ensuite également entre tous ; chacun en retire même avantage, l’éducation de ses enfants.

« L’homme aux trois journées de travail, moyennant sa surtaxe de trente sous, se verra affranchi du poids d’une famille souvent nombreuse ; tous ses enfants seront nourris aux frais de l’État ; avec ce faible sacrifice de trente sous, il pourra avoir jusqu’à sept enfants à la fois élevés aux frais de la République.

« J’ai cité l’homme aux trois journées, et cependant ce citoyen était dans la classe ci-devant privilégiée ; il était doué de l’activité ; quelle foule innombrable ne profitera pas, d’une manière encore plus sensible, de la bienfai-