Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/700

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peuple et la nécessité de soutenir ses droits les plus chers, par conséquent de veiller à ce que précisément tous puissent vivre : Loi agraire.

« 5o Que le temps de la réflexion soit amplement accordé pour la discussion de toutes les matières. De là, va résulter que non seulement les improviseurs, les étourdis, les parleurs perpétuels, les gens qui débitent toujours avant d’avoir pensé, ne soient pas les seuls en possession de déterminer les arrêtés, mais qu’encore les gens qui aiment à méditer un plan avant de prononcer, influenceront aussi sur les décisions. De là, un phraseur intéressé à combattre tout ce qui est juste ne viendra plus vous écarter une bonne proposition par quelque rien subtil et propre seulement à faire illusion ; et si on vient parler pour celui dont les besoins pressent le plus, l’honnête homme peut peser et appuyer la proposition et obtenir le triomphe de la sensibilité ; Grand acheminement, à la loi agraire. »

Si donc l’institution démocratique est toute entière un acheminement à la loi agraire, que doivent faire les amis de la loi agraire ? Seconder le mouvement de la démocratie avec l’élan que leur donne l’acceptation de ses conséquences extrêmes, mais sans effrayer la nation encore aveugle par la déclaration publique et prématurée du but où ils tendent, et où la force des choses conduit silencieusement.

« Eh bien ! Frère patriote, si les principes que je viens de poser ont toujours été les vôtres, il faut y renoncer aujourd’hui si vous ne voulez pas la loi agraire, car, ou je me trompe bien grossièrement, ou les conséquences dernières de ces principes sont cette loi. Vous travaillerez donc efficacement en sa faveur si vous persistez dans ces mêmes principes. On ne compose point avec eux, et si, au for intérieur, vous vous proposez quelque chose de moins que cela dans votre tâche de législateur, je vous le répète, liberté, égalité, droits de l’homme seront toujours des paroles redondantes et des mots vides de sens.

« Je le redis aussi de nouveau, ce ne serait point là les intentions qu’il faudrait d’abord développer ; mais un homme de bonne volonté avancerait beaucoup le dénouement s’il s’attachait à faire décréter toutes nos bases ci-dessus posées sur le fondement de la plénitude des droits de liberté dus à l’homme, principe qu’on peut toujours invoquer et professer hautement et sans courir de danger. Ce qu’on appelle les aristocrates ont plus d’esprit que nous : ils entrevoient trop bien ce dénouement. Le motif de leur opposition si vive dans l’affaire des Champarts vient de ce qu’ils craignent qu’une fois qu’il aura été porté une main profane sur ce qu’ils nomment le droit sacré de propriété, l’irrespect n’aura plus de bornes. Ils manifestent très généralement leurs craintes sur ce qu’espèrent les défenseurs de ceux qui ont faim, je veux dire sur la loi agraire, pour un moment fort prochain.

« J’aime à m’étendre sur le grand sujet que je traite devant une âme aussi sensible que je connais la vôtre. Car ici c’est du pauvre auquel on n’a