Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/702

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Dix-Août parce que l’alarme de la bourgeoisie est plus vive, et c’est encore plus inutile parce que la démocratie est plus forte.

Ces alarmes sur la propriété qui suivent le Dix-Août et qui s’aggravent à mesure que la Commune de Paris semble élargir son influence, elles se traduisent dans bien des discours. C’est cette inquiétude qui, selon Rabaut Saint-Étienne, a dominé les élections à la Convention et ses premières séances.

Dans des notes qu’il avait prises sur les premières séances (peut-être en vue d’écrire une histoire de la Convention à laquelle bientôt il renonça), et que M. Zivy a transcrites et commentées, Rabaut Saint-Étienne dit :

« On décrète… sur la proposition de M. Danton, que la sûreté des personnes et des propriétés est sous la sauvegarde de la nation. Cette dernière proposition est faite pour détourner la crainte qu’on pourrait avoir que la Convention nationale n’adoptât la doctrine prêchée depuis quelque temps à Paris, de partager les terres et les biens, de dépouiller les riches et de leur faire la guerre par les pauvres. M. Marat est le principal professeur de cette doctrine, selon sa devise ; Ut redeat miseris, abeat fortuna superbis ; et la Convention a rejeté cette doctrine avec horreur ; cela tiendra-t-il longtemps ? La plupart des départements ont affecté d’envoyer des députés propriétaires à cause de la terreur qu’y inspire la doctrine de les dépouiller ; mais les députés ne connaissent pas la force de l’influence du peuple de Paris, ni l’habileté de ceux qui le conduisent. »

Et il n’est qui voir ce parti-pris alarmiste de la Gironde dès le début pour deviner le parti qu’elle tirerait de la publication d’une lettre comme celle à Coupé de (l’Oise). Que Babeuf se tienne sur ses gardes.

J’ai noté déjà comment Pénières parle de l’ébranlement du droit de propriété, et comment il s’effraie. Bancal, dans l’exposé des motifs de son plan de Constitution, dit qu’après le Dix-Août le lien social semblait rompu. Oh ! oui ! que les communistes ne s’écartent pas en 1793 de la règle de prudence que Babeuf se traçait à lui-même en septembre 1791 ! Voici qu’à la demande de Cambon et pour rassurer les acquéreurs présents et futurs de biens nationaux, la Convention, sur un discours de Barère, porte, le 18 mars 1793, une loi terrible contre quiconque proposerait d’attenter aux propriétés :

« Un autre sujet d’inquiétude et d’alarmes pour les départements, sont les déclamations qu’on s’est permises contre la propriété. Il faut dire aux départements que vous ne souffrirez pas qu’il soit porté la moindre atteinte aux propriétés, soit territoriales, soit industrielles (Vifs applaudissements).

« Les prêtres qui n’estiment que les biens de ce monde en nous parlant de l’autre, furieux de se voir dépouillés des richesses scandaleuses dont ils jouissaient voudraient aujourd’hui faire dépouiller les riches propriétaires. La Révolution, disent-ils, n’a été faite que pour eux, et c’est ainsi qu’ils prêchent la subversion de toutes les propriétés. Les parents des émigrés disent à leur tour : « On a dépouillé nos familles, il faut dépouiller les autres », car ce