Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/704

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la loi agraire soit une mesure de contre-révolution. C’était une tactique assez habile et qui répondait en partie à la vérité.

Oui, les prêtres, les émigrés essayaient d’ameuter les paysans, les fermiers contre le nouveau détenteur du domaine arraché à l’Église ou à la noblesse félone. Oui, ils espéraient ainsi propager l’inquiétude, ralentir ou même arrêter la vente des biens nationaux et des biens d’émigrés, et maintenir vacante la propriété où ils reviendraient un jour. Barère enveloppait dans la manœuvre de contre-révolution tous ceux qui, à quelque titre que ce fût, ébranlaient la propriété : Que les communistes à la Babeuf se garent et se taisent s’ils ne veulent pas être foudroyés par la plus sinistre équivoque, comme des contre-révolutionnaires !

C’est la Montagne qui, la première, a crié : la mort ! cette Montagne où siège Robespierre, cette Montagne dont Babeuf attend, par l’accomplissement de la démocratie, l’avènement de l’égalité sociale. Pourquoi créer entre elle et lui un lugubre malentendu ?

Aussi bien la loi du 18 mars était-elle une loi de réaction sociale ? Elle n’aurait eu ce caractère que si vraiment il y avait eu, à cette date, un parti capable de tirer les conséquences communistes de la Révolution, et de gouverner, de sauver la France révolutionnaire selon cette formule souveraine. Ce parti, Babeuf savait bien qu’il était à peine ébauché, ou même qu’il n’existait encore que comme une virtualité de la démocratie et de la Révolution. Au demeurant, Barère et la Convention s’empressaient le même jour de corriger l’effet du décret terrible par l’annonce de mesures sociales destinées à protéger le pauvre.

« Mais, citoyens, ajoute aussitôt Barère, en même temps que vous faites cesser les calomnies, en assurant les citoyens sur les propriétés de tous genres, il est très bon de dire que vous vous occuperez avec intérêt, et très prochainement, d’organiser les secours publics, car c’est une dette sociale. Que serait-ce que des propriétaires qui, entourés d’hommes que le régime ancien avait condamnés pour toujours à la misère, les forceraient à respecter les propriétés, et leur refuseraient les secours que tout homme qui a du superflu doit à l’homme qui meurt de faim ? Le rapport sur l’organisation des secours publics est prêt. Je demande qu’il soit mis demain à l’ordre du jour. » (Vifs applaudissements.)

Ô Babeuf, pas de communisme ! mais que les pauvres qui mendiaient reçoivent de la nation un morceau de pain. C’est l’équilibre de Barère. Et il continue, donnant lui-même des arguments contre la propriété qu’il protège par la peine de mort :

« Il est deux autres mesures à prendre. Remarquez que je ne cherche ici qu’à rallier la Convention nationale, et autour d’elle la confiance de la nation, car tous nos efforts doivent tendre à faire un faisceau de forces « entre nos ennemis. L’impôt progressif que je fais profession de regarder