Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/709

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exercices, les travaux et les fonctions soient les mêmes dans toutes les classes ? — Il faudra que l’éducation soit la même pour la théorie et les principes, mais comme il y aura différents besoin ? à pourvoir et des objets différents à remplir, il faudra que les exercices, les fonctions et les travaux soient distribués et répartis selon la force, le génie, le caractère, le goût, l’instruction et les dispositions qui se développeront et se feront remarquer dans chaque individu sans qu’aucun genre de travail, d’exercice et de fonction puisse être en aucun cas un sujet d’humiliation ni de vanité, puisque ce seraient la nature et son ineffable auteur, auxquels tout doit être rapporté, qui auraient classé les hommes, et non point la chimère et l’imposture comme jusqu’à présent. »

Mais cette sage et harmonieuse disposition des forces humaines, cette organisation sociale où la fonction de chacun sera déterminée par ses aptitudes et ses goûts, non par le privilège ou le hasard de la fortune et de la naissance ne seront possibles que lorsque l’homme aura pu briser l’ordre d’aujourd’hui, « l’ordre mercenaire, homicide et anti-social qui a gouverné la France et perdu les hommes jusqu’à présent ». Cet ordre mercenaire, homicide et anti-social (Boissel répète sans cesse ces trois mots) est né de la victoire de l’égoïsme violent d’abord et bestial, puis raffiné et perfide. Les forts oppriment les faibles, et ils sont opprimés à leur tour par les rusés et les fourbes, « par les prestiges, les impostures et les fourberies de l’égoïsme également féroce et aveugle des plus fins et des plus rusés ».

Les sociétés humaines sont des « sociétés léonines » où les renards ont fini par être les maîtres. Et comment se manifeste le triomphe de l’égoïsme ? « Quelles sont les principales institutions de l’ordre mercenaire, homicide et antisocial ? — Ce sont les propriétés, les mariages et les religions, que les hommes ont inventées et consacrées pour légitimer leurs usurpations, leurs violences et leurs impostures. »

Le prétendu droit de propriété consacre la rapine et la ruse. Le mariage consacre la domination de l’homme sur la femme, la réciproque tromperie des deux sexes, et il perpétue par l’héritage l’usurpation connue sous le nom de propriété. La religion met d’imaginaires puissances célestes au service des puissances terrestres qui en ont fourni le modèle.

« — Qu’entendez-vous par droit de propriété ?

« — Suivant les notions des lois civiles, c’est la faculté de disposer de ce qui nous appartient comme bon nous semble.

« — Quels sont les objets sur lesquels les hommes ont étendu leur droit de propriété ?

« — Ce sont tous ceux dont ils ont cru pouvoir s’emparer ou faire croire qu’ils s’étaient emparés, comme les terres, les femmes, les hommes mêmes, la mer, les rivières, les dieux mêmes dont ils ont fait et font un trafic, depuis qu’ils ont fabriqué des espèces d’or et d’argent auxquels ils ont attaché tant