Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/735

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œuvre. Donnez-lui la jouissance, donnez-lui la culture d’un terrain propre à le nourrir : il sera content ; voilà tout ce qu’il vous demande, voilà tout ce qu’il a le droit d’attendre de vous. »

Le plan du Comité d’agriculture qui abonde franchement dans le sens de la Révolution, qui ne cherche pas à déguiser sous une apparence de communisme une sorte de fondation charitable perpétuée à travers les âges et qui veut, par le partage définitif des communaux, multiplier les propriétés individuelles, est donc supérieur, même au point de vue socialiste. Car le communisme agraire résultera ou de la synthèse des propriétés individuelles paysannes se coordonnant librement en de vastes exploitations coopératives, ou de la substitution de syndicats agricoles prolétaires à la grande propriété, ou de la constitution d’un domaine communal à exploitation scientifique et intensive. Il ne sera pas l’extension d’un vague domaine disputé par l’égoïsme routinier des propriétaires individuels ou concédé viagérement à titre d’aumône à des pauvres maintenus au-dessous du plein droit de propriété. Et il valait mieux, même pour le grand communisme futur, ajouter à la force immédiate, à l’indépendance et à l’élan révolutionnaire de la démocratie rurale et du prolétariat agricole que maintenir comme une stérile parodie, ou comme une dérisoire ébauche, un communisme inférieur et dégradé. C’est selon une idée très nette de démocratie que le projet du Comité d’agriculture répartissait les biens nationaux. Il ne rendait pas cette répartition obligatoire, il laissait à chaque commune le soin d’en décider ; cependant, comme le partage avait les préférences du Comité, il suffisait qu’un tiers des habitants le demandât pour qu’il eût lieu.

Le Comité repoussait avec indignation la demande qui avait été faite par les riches d’opérer le partage au marc la livre de l’impôt foncier, c’est-à-dire proportionnellement à la valeur de la propriété foncière de chaque habitant :

« Loin de nous, l’idée de vouloir attaquer le droit sacré de propriété, ce droit que le contrat social doit garantir à l’homme civilisé ; nous le respectons, mais nous n’en ferons jamais le prétexte d’une injustice ! Serait-ce, je le demande, respecter la propriété que de dépouiller le pauvre de la sienne, pour en revêtir l’homme opulent ? Serait-ce la respecter que de faire, du bien de tous, la propriété exclusive de quelques-uns ?

« Tous les habitants d’une commune ont un droit égal aux biens communaux, tous doivent avoir un droit égal au partage. Les propriétaires diraient-ils, pour fonder leur prétention, qu’aujourd’hui ils en avaient seuls la jouissance ? Quoi ! des abus deviendraient des titres ! et parce que le pauvre a jusqu’ici été opprimé, il devrait continuer de l’être ! »

De même il ne serait pas pleinement équitable de faire le partage égal par ménages ; car le pauvre a plus d’enfants groupés autour de lui.

« Au premier aperçu, ce moyen paraissait présenter moins d’inconvé-