Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/74

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son sens exclusif toutes ses paroles. Tout récemment encore, le journal de Brissot dans son numéro du 25 décembre, applaudissait au discours prononcé la veille par Barère sur l’état de Paris et de la France.

« Barère a fait une peinture énergique de notre situation intérieure. Il en a conclu la nécessité pour la Convention de prendre l’attitude qui lui convient, et il a ajouté que jusqu’à présent elle n’avait cessé d’offrir l’image d’Hercule luttant, dans son berceau, contre des serpents. La vérité de cette comparaison a frappé les bons citoyens et a fait frémir ceux sur lesquels elle tombait.

« Ce n’est pas la seule vérité que l’orateur ait exprimé. Il a été vivement applaudi par les républicains lorsqu’il a dit que la Convention n’a plus rien à démolir, lorsqu’il a parlé du système d’avilissement dirigé contre elle, et qu’il a observé que tous les traîtres n’avaient pas été à Longwy, que plusieurs étaient restés à Paris ; lorsqu’il a observé que si la Convention avait eu jusqu’ici une marche plus ferme, si l’anarchie avait été réprimée, le terme de la guerre serait bientôt arrivé, et des alliés puissants auraient secondé nos travaux. »

Je le répète : la Gironde forçait dans son propre sens la flexible pensée de Barère. Quand il comparait la Convention commençante à « Hercule qui, dans son enfance, se débattait contre des serpents », il pensait surtout aux agitations « démagogiques » de Paris, aux prétentions de la Commune ; il pensait aussi un peu à la vaniteuse intrigue de la Gironde. Si celle-ci avait été attentive, si elle n’avait pas été infatuée, elle aurait noté que Barère, en prononçant le nom de Roland, n’y avait pas attaché un mot d’éloge.

« On a beaucoup parlé du ministre de l’intérieur, mais je crains bien qu’on n’ait attaqué que l’homme au lieu d’attaquer l’organisation de son immense ministère. »

Était-ce le défendre ou seulement l’excuser ? Visiblement, Barère ne s’associait pas plus aux déclamations et à l’esprit de coterie de la Gironde qu’aux prétentions de la Commune et aux violences de Marat. Mais lorsqu’il demandait, le 24 décembre, qu’un rapport général sur l’état de la France fût fait à la Convention par le conseil exécutif et par la municipalité de Paris, que les principaux comités de celle-ci se réunissent pour recevoir ce rapport, quand il proposait, dans un projet de décret adopté à l’unanimité : « Les Comités réunis (diplomatique, des finances, des sceaux publics, de la guerre, de la marine et des colonies, de correspondance, de sûreté générale, d’agriculture et de commerce) se concerteront avec le conseil exécutif provisoire pour présenter incessamment à la Convention toutes les mesures nécessaires au maintien de l’ordre et des lois, à la conservation de la liberté et à la défense de la République », que faisait Barère ? Il cherchait à fortifier la Convention en appelant à elle tous les pouvoirs ; et pourquoi voulait-il fortifier la Convention ? Non pas pour se servir d’elle comme d’un instrument contre