Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/751

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lui aux Jacobins le 12 juin soient un manège de coquetterie révolutionnaire.

« Quant à moi, je déclare que je reconnais mon insuffisance. Je n’ai plus la vigueur nécessaire pour combattre les intrigues de l’aristocratie. Épuisé par quatre années de travaux pénibles et infructueux, je sens que mes facultés physiques et morales ne sont point au niveau d’une grande révolution, et je déclare que je donnerai ma démission. » (Plusieurs voix s’écrient : non, non !)

Vraiment il s’interrogeait lui-même, et se demandait s’il suffirait à l’immensité de la crise, s’il saurait trouver le centre de combat, le point d’équilibre d’où il pourrait contenir les ennemis de la Révolution et prévenir les imprudences de ses amis. Le plus malaisé n’était pas de défendre la Constitution de 1793 contre les attaques des « Enragés ». Dès le 10 juin, quand Robespierre fit aux Jacobins l’éloge de la Constitution : « Nous pouvons présenter à l’univers un code constitutionnel infiniment supérieur à toutes les institutions morales et politiques », Chabot, qui était l’intermédiaire officieux entre les Jacobins et les Enragés, critiqua le projet : « Il mérite sans doute de très grands éloges parce qu’il surpasse tout ce qui nous a été donné jusqu’à ce jour : mais s’ensuit-il que les hommes de la Montagne doivent le prôner avec enthousiasme sans examiner si le bonheur du peuple est assuré par ce même projet ? On ne s’appesantit pas assez sur le sort du peuple, et c’est ce qui manque à l’acte constitutionnel que l’on a présenté. Il y manque d’assurer du pain à ceux qui n’en ont pas. Il y manque de bannir la mendicité de la République. L’Assemblée Constituante l’avait décrété et cependant j’ai la douleur de voir l’aristocratie éclabousser l’indigence. » Et Chabot signalait encore que le projet ne prévoyait pas l’impôt progressif. Il est vrai que sa critique s’appliquait non au texte définitif, voté par la Convention et qui sera beaucoup plus explicite sur l’obligation de donner à tous du travail ou du pain, mais au premier projet présenté par Hérault de Séchelles. Au fond, Chabot avait-il des conceptions nettes à proposer ? Qu’on lise son plan de Constitution et de finance. Il se borne à demander un impôt sur le chiffre d’affaires, et le paiement d’une partie de la dette par des certificats qui seraient reçus en paiement des biens nationaux et qui dégageraient la circulation des assignats.

Mais en quoi ces revendications partielles, et très controversables, autorisaient-elles le lourd capucin à compromettre l’effet révolutionnaire d’unanimité que la Constitution devait produire ? Le personnage cherchait à se pousser. Jacques Roux était plus sincère, et l’assaut fut plus rude.

Autour de lui étaient groupés ses fidèles amis de la section. Il allait dans son quartier des Gravilliers, il allait auprès du club des Cordeliers, dénonçant la Constitution nouvelle comme égoïste et antipopulaire. Où était la protection du pauvre ? Où étaient les articles constitutionnels contre les agioteurs et les accapareurs ? Il décida la section et le club à porter une péti-