Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/756

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Roux termine en interpellant avec violence la Convention, en sommant la Montagne de s’émouvoir un peu sur son rocher éternel. Combien de temps des égoïstes pourront-ils boire dans des coupes d’or le sang et les larmes du peuple ? « Comment vivront les petits rentiers, ceux qui ont 2, 3, 4, 600 livres de rentes, mal payées encore, ou une pension viagère sur les caisses publiques, si on n’arrête l’agiotage, et cela par un décret constitutionnel qui n’est pas sujet aux variations des législatures ?

« Voulez-vous nous léguer la nudité, la famine et le désespoir ? Faut-il que les royalistes et les modérés, sous prétexte de la liberté du commerce, dévorent encore les manufactures, les propriétés ? Qu’ils s’emparent du blé, des forêts et des vignes, de la peau même des animaux ? Délégués du peuple, ne terminez pas votre carrière avec ignominie.

« Quant à nous, nous faisons serment de défendre la liberté et l’égalité, l’unité et l’indivisibilité de la République, et les sans-culottes opprimés des départements.

« Qu’ils viennent bien vite à Paris cimenter les liens de la fraternité. C’est alors que nous leur montrerons ces piques immortelles qui ont renversé la Bastille, ces piques qui ont fait tomber en putréfaction la commission des Douze et la faction des hommes d’État, ces piques qui feront justice des intrigants et des traîtres, de quelque masque qu’ils se couvrent et quelque pays qu’ils habitent.

« Vive la vérité ! Vive la Convention nationale ! Vive la République française ! »

Ce que je donne là est le texte imprimé que publia quelques jours après Jacques Roux, et que Bernard Lazare me communique parmi d’autres notes très intéressantes sur le prêtre révolutionnaire. Peut-être Jacques Roux l’a-t-il un peu développé et renforcé pour l’impression. Peut-être a-t-il rétabli quelques passages que devant l’hostilité violente de la Convention déchaînée, il avait ou omis ou abrégés. Mais quand on compare ce texte avec le compte rendu du Moniteur, on voit bien que c’est le même fond d’idées et le même accent, souvent les mêmes formules littérales. La Convention toute entière coupa le discours de Jacques Roux d’interruptions furieuses, et elle le submergea sous les murmures. Thirion, du haut de la tribune, le dénonça et le flétrit : « Vous venez d’entendre professer à cette barre les principes monstrueux de l’anarchie. Cet homme a combiné froidement tous les mots qui sont dans cette pétition ; il a médité jusqu’à quelle période pouvait monter le crime ; je le déclare, Cobourg n’aurait pas tenu un autre langage… Quoi ! on veut persuader que tout est désespéré ? et l’orateur de l’anarchie veut démontrer au peuple qu’il faut que le fils égorge son père et que la mère plonge un poignard dans le sein de sa fille. Citoyens ! il s’est élevé contre l’aristocratie nobiliaire et mercantile, mais il ne vous a pas parlé de la caste sacerdotale. Vous n’apprendrez pas sans étonnement que cet homme est un prê-