Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/765

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Roux et de Mlle Marguerite Montsabord. Puis, Jacques Roux fit la preuve à Marat qu’il avait professé, sous son nom de Jacques Roux, au séminaire d’Angoulême. Ce sont, semble-t-il, les injustices de ses maîtres méconnaissant le mérite et le zèle d’un plébéien, qui jetèrent Jacques Roux dans des pensées révolutionnaires et qui le mirent en guerre avec l’organisation ecclésiastique. Cette méprise si étrange de Marat racontant que Jacques Roux a fait un faux pour prendre le nom d’un prêtre assassiné nous met en garde contre les propos qu’il lui attribue. Marat ne mentait pas, mais sa mémoire encombrée de dénonciations, affaiblie par la maladie, avait des défaillances singulières. Peut-être aussi a-t-il mal compris ce que lui disait le prêtre chez lequel il s’était réfugié en une des périodes difficiles de sa vie tourmentée.

« Le troisième jour que je passai dans sa chambre, je le vis dans le costume de prêtre ; je ne sais s’il en avait honte à mes yeux, assurément à tort, car j’ai pour maxime de ne jamais scandaliser les âmes faibles, mais il me dit : « N’imaginez pas que je crois à la religion, je sais que c’est un tissu d’impostures, j’en ai fait mon gagne-pain ; et personne ne sait mieux que moi faire la sainte comédie. »

Propos peu vraisemblable. Il ne semble pas que Roux ait jamais répudié son caractère de prêtre : il continuait à dire la messe. Mais il était violemment anticlérical. Il s’associait, à la section des Gravilliers, à toutes les motions tendant à fermer « les boutiques de prêtres ». Il écrivait que tant que le peuple ne serait pas instruit, la religion s’appuierait sur l’esclavage et l’esclavage sur la religion. Mais j’imagine, à la façon dont il parle des athées sanguinaires, qu’il avait en Dieu la foi presque chrétienne du Vicaire savoyard, et en continuant, sans prébende aucune, sans rémunération aucune, à officier, il s’associait à l’humilité de cœur du peuple ignorant et opprimé. Peut-être auprès de ce peuple qui tout à l’heure adorera sur le même autel « le cœur de Marat et le cœur de Jésus », le caractère sacerdotal dont Jacques Roux n’avait pas voulu se dépouiller, ajoutait-il à l’effet de sa propagande révolutionnaire. Il était pauvre, vivait presque uniquement de ses 200 livres de rente, entre sa harpe qui l’apaisait parfois au sortir des réunions tumultueuses, et un chien que lui avait donné une bonne citoyenne des Gravilliers ; il gravissait les neuf étages des sombres maisons, et il s’était fait ainsi au cœur de Paris artisan un petit empire qu’aucune violence du dehors ne semblait pouvoir entamer.

Mais qu’aurait-il pu maintenant, ayant contre lui non seulement Robespierre, Marat, les Cordeliers, les Jacobins, mais toute la Commune ?

Chaumette et Hébert, Hébert surtout, si dur déjà pour Jacques Roux en mars 1793, sont implacables pour lui. Il s’était, on s’en souvient, imposé à la Commune à la faveur des événements révolutionnaires du 31 mai et du 2 juin et du rôle qu’y jouait sa fidèle section des Gravilliers.

Tout récemment encore, le 12 juin, il était chargé avec Guyot, Blin et