Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/790

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députés, Vence et Gilly, pour la Convention de Bourges qui devait se substituer à celle de Paris. À Lyon, les sectionnaires jettent en défi à la Révolution, le 17 juillet, la tête de Châlier. Châlier après Marat. Mais à Paris, c’était une femme qui frappait. À Lyon, c’était la cité, prise d’une frénésie de modérantisme et de contre-révolution. Or, pendant que s’organisait ainsi la guerre civile, les Prussiens et les Autrichiens poussaient leur pointe. Le 15 juillet, Condé succombait ; le 25, c’était Mayence, après un siège de près de quatre mois et une résistance héroïque. Le 1er août, c’était Valenciennes. La France révolutionnaire va-t-elle donc être acculée ? Non, elle est toute soulevée de courage et de confiance. Le pire cauchemar qui l’obsédait, le cauchemar girondin, est dissipé. Marseille et Lyon se révoltent, mais sous l’inspiration et sous la conduite des royalistes. En Normandie, c’est le général royaliste Wimpfen qui jette le masque ; à Lyon, c’est le général royaliste Précy qui prend la conduite des opérations, c’est lui qui va diriger la résistance de la ville assiégée. Donc la Révolution n’a pas à combattre contre elle-même : si la Gironde en fuyant avait emporté un lambeau de la conscience révolutionnaire, le trouble aurait été grand. Mais sous le girondisme disloqué et dissipé en quelques jours, c’est le royalisme qui apparaissait, c’est la contre-révolution.

La Révolution, heureuse d’avoir retrouvé l’intégrité de son âme et de son droit, se jette à la lutte avec une magnifique ardeur. Ceci n’est pas une interprétation ni une conjecture :

« Non, citoyens, dit le Journal de la Montagne du 29 août, non, nous n’avons pas la guerre civile ; ce n’est pas la guerre civile, celle que nous avons à soutenir, c’est la guerre étrangère ; il n’y a de guerre civile que lorsqu’il existe deux partis dans la République, et que tous les deux affectent d’avoir l’autorité et le commandement suprême. Nous n’avons à faire maintenant qu’à un seul genre d’ennemis, soit sur les frontières, soit dans la Vendée, à Lyon, à Marseille ; c’est la guerre des républicains contre ceux qui veulent la royauté. Ainsi, ne redoutons pas si fort toutes les suites qui accompagnent ordinairement les troubles qui s’élèvent entre les enfants de la même patrie… Les factieux s’identifient avec les ennemis de l’État. Le nom n’y fait rien, soit Prussiens, soit Lyonnais, soit Autrichiens, soit Marseillais. On s’est donc étrangement trompé lorsqu’on a dit et écrit qu’il y avait des partis parmi nous. Nous militons tous, tant que nous sommes, sous les drapeaux de la patrie : il n’y a qu’un seul camp, un seul mot d’ordre, liberté, république une et indivisible. Tous ceux qui tirent l’épée contre nous sont de véritables royalistes… Le Français libre ne peut pas avoir de dissensions intestines. Nous ne formons plus qu’une même famille. »

Ainsi, l’horreur de la guerre civile disparaissait aux yeux des combattants révolutionnaires. Ils combattaient la contre-révolution, et la contre-révolution, qu’elle qu’en fût la forme, c’était l’étranger.

C’est d’un grand cœur que le 10 août, dans la fête de la Fédération, la