Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/813

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fants, combien ne doit-il pas ajouter à l’infortune et à la misère de celle qui est pauvre, combien ne doit-il pas lui être poignant de n’avoir à transmettre aux siens que sa peine et sa misère ! Après tout, que se propose le sentiment paternel ? n’est-ce pas le bonheur des enfants ? Or, en est-il un plus grand que celui d’avoir à vivre sous les auspices d’une patrie juste et vraiment digne de ce nom ?

« …Concitoyens, j’ai levé l’étendard de la justice ; que ceux qu’elle intéresse viennent s’y rallier autour, et tous ensemble, formons une force imposante qui la fasse triompher de ses ennemis. C’est pour rester isolés et sans point d’union que nous devenons victimes des factieux et la proie des ambitieux, des hommes pervers qui se jouent de nos malheurs et qui se plaisent tous les jours à nous en créer de nouveaux. Que le parti de la justice, qui doit être celui de la multitude, se montre enfin, qu’il se coalise sous cette enseigne non équivoque, et bientôt il dissipera tous les complots de la perfidie et toutes les manœuvres de vil intérêt.

« …Si je me trompe, c’est l’amour de l’humanité, c’est le désir pur de notre bonheur commun qui me séduit, et en cela mon erreur m’est chère ; quoique vaincu, je ne m’applaudirai pas moins de ma démarche, et dans ma douleur amère je me dirai : « Hélas ! ce n’est donc point pour arriver au règne fortuné de la justice que la France fait, depuis cinq ans, des efforts inouïs, et que tant d’hommes sacrifient généreusement leur vie ! Ce n’est donc point à son feu sacré que les cœurs s’enflamment, puisqu’il laisse froids ceux qu’elle devrait uniquement intéresser ! »

Dolivier était convaincu que son système résolvait ou plutôt supprimait le problème des subsistances. Une fois brisée l’aristocratie des fermiers, comment l’accaparement est-il possible ? Et quand d’innombrables petits propriétaires, obtenant de la terre mieux fécondée un produit plus large, jetteront sur le marché l’excédent de leur consommation, qui parlera encore de famine et de prix de famine ? Au demeurant, Dolivier n’est pas favorable à l’idée de taxer les denrées.

« Qu’on se figure maintenant, dit-il en parlant de son système, c’est-à-dire de la division des fermes préparant la division des propriétés, qu’on se figure combien cette mesure serait un puissant véhicule pour répandre dans le peuple l’ardent amour de la République et le zèle de la défendre ! C’est alors qu’il en sentirait tout le prix et qu’il s’identifierait réellement avec elle ; mais quel intérêt veut-on qu’il y prenne, tant qu’on ne s’occupera que du sort de ceux qui ont, et jamais du sort de ceux qui n’ont rien, et comment ce peuple se passionnerait-il pour une République dans laquelle il ne se voit qu’environné de malheurs, sans aucune perspective qui l’encourage ? À la vérité, à force de plaintes et de murmures, il a enfin obtenu la fixation du prix des subsistances ; mais cette mesure, commandée par les circons-