Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/822

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Convention démonétisa les assignats à face royale. C’était un capital de 558 millions d’assignats qui était ainsi retiré de la circulation. À vrai dire, ils n’étaient pas détruits, et la valeur que les porteurs avaient en mains n’était pas frappée de nullité. Mais ces assignats cessaient d’être monnaie : ils n’étaient plus admis qu’à payer les contributions arriérées, à solder ce qui était dû sur la vente des biens nationaux, et à acquérir les annuités provenant de la vente des biens nationaux. Ils avaient ainsi un débouché suffisant, puisque l’arriéré des contributions était de 600 à 700 millions et que le reste à payer pour les domaines nationaux était d’environ 1500 millions. Mais ils ne faisaient pas double emploi avec la masse des assignats, et la seule affectation qui leur demeurait était essentiellement révolutionnaire.

Enfin l’emprunt forcé d’un milliard, décrété en principe au mois de mai, mais qui n’était pas encore appliqué, entrait en exécution. Les assignats étant admis au pair pour le versement de l’emprunt, les contribuables allaient s’empresser de verser au Trésor un milliard d’assignats. C’était là l’objet principal de ce vaste emprunt, qui était en réalité un impôt remboursable.

Il participait de l’emprunt et de l’impôt. Il était impôt, puisqu’il était forcé et qu’il ne portait pas d’intérêt. Il était emprunt, puisque la somme ainsi imposée devait être rendue, mais rendue en domaines nationaux. Et c’était encore un moyen d’attacher des millions de citoyens au succès de la Révolution : puisque le gage de l’emprunt aurait disparu avec la Révolution elle-même.

En fait, l’emprunt d’un milliard se substituait aux contributions ordinaires : contribution foncière, contribution mobilière, contribution des patentes, pour lesquelles les rôles avaient été si lentement élaborés. Le milliard de l’emprunt ne dépasse guère de plus de 300 millions le total des contributions arriérées.

La Convention saisit cette occasion de rectifier, indirectement et par le mode d’établissement de cet emprunt-impôt, le système fiscal de la Révolution : elle y introduit la déclaration et la progression. C’est, en effet, le revenu déclaré de chaque contribuable qui va régler, selon une loi de progression, le versement que chacun doit faire pour l’emprunt : « Les citoyens tenus de contribuer à l’emprunt forcé remettront au greffe de la municipalité de leur domicile, et, à Paris, au comité civil de leur section, une déclaration exacte de leurs revenus pendant l’année 1793, et des charges qui les diminuent. » — « La déclaration des revenus des rentes perpétuelles sur l’État ou sur des particuliers, des capitaux placés à intérêt ou mis en valeur dans le négoce ; celle des bénéfices commerciaux, de banque, courtage, commissions, entreprises et fournitures de l’année 1793 ; celle des fonds oisifs gardés en caisse, en portefeuille ou chez des dépositaires, sera faite en entier et sans déduction de la contribution mobilière ; les fonds oisifs seront estimés produire