Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/826

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ment. Celle-là s’exécute avec rigueur ; personne n’ose plus s’en plaindre ; elle a délivré la République de toute la dépense équivalente à l’excédent du prix qu’elle payait au devant de sa consommation : c’est une économie énorme ; la Convention ne pouvait prescrire à l’opinion de prendre les assignats au pair, mais elle a rempli le même but en soumettant à un tarif invariable la valeur des denrées et des marchandises. Lorsqu’on est parvenu à forcer les citoyens non seulement de vendre, mais encore de vendre à un prix indépendant de la valeur que le papier-monnaie peut prendre au cours de la place, et que la nature même du papier-monnaie doit laisser toujours au-dessous du numéraire, il est fort indifférent que le papier-monnaie ait plus ou moins de crédit. La Convention a donc fait une opération très économique et une opération très populaire, car les sans-culottes consommant et ne possédant pas, il leur est fort doux d’acheter ce papier à un prix qui lèse exclusivement celui qui vend. »

Et encore, celui qui vend n’est-il lésé que s’il veut acheter sur un marché étranger, hors de la sphère d’action de la loi du maximum. Mais les Conventionnels avaient-ils prévu nettement, avant l’épreuve, cet heureux effet du maximum ? Longtemps ils hésitèrent. Ce n’est que sous la menace des sections qu’ils avaient voté en mai la taxe sur les blés, et la loi de mai n’était appliquée que très mollement. Beaucoup d’entre eux craignaient de faire violence à la loi de la concurrence qui, seule, pouvait équilibrer les prix et les valeurs. Ou bien ils objectaient que si la taxation était réduite à quelques articles, elle ruinait une catégorie de citoyens qui vendraient selon la taxe et achèteraient selon le libre cours du marché ; si, au contraire, elle s’appliquait à tous les citoyens, elle enrichissait le capitaliste, le propriétaire oisif, celui qui ayant des assignats en grand nombre, et recevant en assignats ses rentes, ses loyers, ses fermages, avait tout bénéfice à voir la valeur de l’assignat s’élever, la valeur des marchandises décroître. Même après le vote du maximum, Saint-Just répétera obstinément que les taxes furent rendues nécessaires « par les circonstances », mais « qu’elles ont doublé le revenu du riche ».

Comme la Convention était pressée, par les ouvriers, de taxer les denrées pour rétablir l’équilibre entre le prix des marchandises et le salaire du travail, elle songea un moment, selon l’indication donnée par Condorcet lui-même et que j’ai citée, à prendre la question par l’autre bout, c’est-à-dire à instituer par la loi non un maximum des denrées, mais un minimum des salaires.

Il est très intéressant de constater que les comités réunis de l’agriculture et des finances avaient préparé en avril 1793 un projet de loi en ce sens. Je ne l’ai pas retrouvé : il serait très curieux d’avoir les procès-verbaux de ces deux commissions à cette date. Beffroy le dit très catégoriquement dans son exposé du 25 avril : « Déjà les Comités réunis d’agriculture et des finan-