Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/854

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et en réhabiliter les divers membres fonctionnaires publics qui ont été destitués illégalement. »

Chaumette, médiocrement surpris sans doute de cette démarche, se leva aussitôt pour requérir : « Je trouve ici deux délits très distincts et plus graves l’un que l’autre. Le crime qu’a commis Jacques Roux, en destituant arbitrairement les fonctionnaires publics, et en lançant les foudres de l’arrestation contre plusieurs citoyens, est, sans contredit, très grave ; mais celui qu’il a commis en prononçant la dissolution d’une assemblée du peuple souverain, en y portant l’esprit de discorde et de division, est beaucoup plus répréhensible. Jacques Roux a attenté à la souveraineté du peuple : quiconque se rend coupable de ce crime est un contre-révolutionnaire, et tout contre-révolutionnaire doit être puni de mort. »

Chaumette propose donc que le Conseil arrête « que toutes les dénonciations, charges et renseignements contre Jacques Roux, soient renvoyés à l’administration de police, et que néanmoins le Conseil nomme six commissaires pour aller sur-le-champ réorganiser la section des Gravilliers et y rétablir l’ordre. »

Ah ! que de fois des révolutions de cette sorte avaient été faites dans les sections du temps où la Commune les disputait aux modérés et aux bourgeois ! Mais de Jacques Roux tout était crime. Hébert s’acharna encore sur lui, l’accusant d’exciter au pillage, de provoquer à l’insurrection, d’affecter la pauvreté, tout en distribuant chaque jour des sommes considérables à la section, enfin d’être un hypocrite.

« Cet homme dit un jour à l’assemblée électorale qu’il se moquait de la religion ; le lendemain, il dit la messe et a coutume de la dire tous les jours. »

Enfin, l’administrateur de police, Froidure, annonce « qu’un mandat d’amener a été lancé contre Jacques Roux et quelques-uns de son parti, et qu’il doit l’interroger incessamment. »

C’était la conclusion prévue : comment Jacques Roux aurait-il pu lutter, ayant contre lui Robespierre et Hébert : tous les deux l’appelaient « le prêtre infâme ».

Cependant, les amis de Roux ne l’abandonnent pas : une délégation de la section des Gravilliers est choisie (notes communiquées par Bernard Lazare, d’après le registre de la section) pour l’informer des causes de l’arrestation de Roux. Il est relâché sous caution le 25. Mais l’information continue. On y mêle, de nouveau, une inculpation de vol. Roux est accusé d’avoir retenu pour lui une partie de la collecte faite par lui pour de pauvres gens. Tous les témoignages démontrent au contraire son désintéressement et sa générosité. Mais il faut l’abattre par tous les moyens.

Le 23 nivôse an II (janvier 1794) ses accusateurs sont convoqués devant le tribunal de police criminelle pour déposer contre lui au sujet de son coup