Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/859

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plesse infinie de tactique et d’ambition, faire sa cour à la Commune de Paris, qui paraissait plus forte de loin qu’elle ne l’était en réalité ; qu’il ait voulu conquérir l’utile sympathie de Chaumette, c’est probable ; mais toute la politique sociale de Fouché à cette date est aussi l’expression d’une nécessité révolutionnaire. C’est dans cette pensée qu’il interpelle les riches, dans les derniers jours d’août, par un manifeste véhément :

« Le riche a entre les mains un moyen puissant de faire aimer le régime de la liberté : c’est son superflu. Si dans cette circonstance où les citoyens sont tourmentés par tous les fléaux de l’indigence, ce superflu n’est pas employé à la soulager, la République a le droit de s’en emparer pour cette destination… Riches égoïstes, si vous êtes sourds aux cris de l’humanité ; si vous êtes insensibles aux angoisses de l’indigence, écoutez au moins les conseils de votre intérêt et réfléchissez : que sont devenus depuis la Révolution tous ceux qui, comme vous, n’étaient tourmentés que du désir insatiable et sordide du pouvoir et de la fortune ? »

Ceux-là ne comprennent rien à l’histoire qui croient que le futur duc d’Otrante, plusieurs fois millionnaire, chef de la police et maître occulte de bien des pouvoirs, n’a pas été sincère en écrivant ces lignes. Il se livrait au soulèvement de forces énormes, et il jugeait sans doute tout à fait vain de discuter avec elles.

Du 19 septembre au 15 octobre il prend, à Nevers ou à Nantes, une série d’arrêtés qui instituent des « comités philanthropiques » chargés de lever sur les riches de quoi nourrir les pauvres, qui organisent pour les valides le droit au travail, qui déclarent « suspects, les manufacturiers qui négligent de faire travailler, les entrepreneurs qui ne pourvoient pas à la subsistance de leurs ouvriers ».

Dans les usines, dans les forges, notamment à Guérigny, où il charge Chaumette de faire une enquête, il réglemente le travail dans l’intérêt des ouvriers, il révoque et emprisonne un inspecteur des manufactures trop complaisant aux grands industriels. Ainsi il est fort voisin de cette sorte de collectivisme proposé éventuellement par Chaumette ; et il n’est pas étrange qu’il y ait accord entre les vues des délégués de la Nièvre et celles, du procureur de la Commune. Au demeurant, ils témoignent que c’est à lui, pour une large part, c’est-à-dire à la Commune de Paris, que le Centre doit ce mouvement révolutionnaire et social. L’orateur de la séance du 14 octobre à la Commune de Paris, « donne au républicain Chaumette les plus grands éloges ; c’est lui qui, par son ardent civisme et ses nombreuses relations dans ces contrées qui l’ont vu naître, est parvenu à les préserver des exhalaisons pestilentielles que soufflaient les aristocrates et les malveillants ».

Mais si la Commune de Paris, par Chaumette (beaucoup plus préoccupé qu’Hébert du côté social des problèmes révolutionnaires) donnait à cette tendance collectiviste une forme vigoureuse et nette, elle ne faisait que formuler