Aller au contenu

Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/860

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

le mouvement général de la Révolution. Qu’était, à bien des égards, la loi contre les accapareurs, sinon la substitution de la nation aux commerçants individuels ? Qu’était la loi du maximum, surtout quand elle aura été complétée le 11 brumaire selon les indications de l’expérience par les dispositions qui tarifaient le bénéfice commercial, qu’était cette grande loi sinon une première nationalisation de la vie économique ? Et la lutte même dont cette loi était née devait, par sa logique, aboutir à une formule de nationalisation plus complète, plus intérieure, si je puis dire, à la production.

Dans la même période, Cambon faisait procéder à ce qu’on peut appeler la nationalisation de la Banque, de toute la banque, au moins en ce qui concernait ses opérations avec l’étranger. La nation se substituait aux banquiers, se chargeait de recouvrer à leur place les traites sur l’étranger et de payer à leur place les traites tirées sur la France par l’étranger ; c’était, je le répète, la nationalisation de toutes les opérations internationales de la Banque. Mallet du Pan a bien vu le sens de cette audacieuse mesure, destinée soit à permettre au gouvernement français de vigoureuses représailles contre les pays qui suspendraient le paiement de ce qu’ils devaient aux citoyens français, ou surtout à soutenir le cours de l’assignat, en supprimant les opérations à la baisse et toutes les manœuvres d’agiotage de la Banque.

« Tous les efforts du Comité de Salut public, dit Mallet du Pan, dans son Mémoire du 1er février 1794, tendent à soutenir et à élever le papier (l’assignat), à en diminuer l’emploi, à restreindre la masse en circulation et à faire remonter le change par des payements en espèces. C’est dans cette vue que le Comité de Salut public s’est emparé dernièrement de l’actif et du passif de la Banque de Paris et du royaume, en prenant tout le papier sur l’étranger qui se trouvait chez les banquiers, et en se chargeant de payer leurs créances au dehors. Vraisemblablement, le but de cette opération, qui se consomme en ce moment, est, ou de spolier le commerce de ses créances dans l’étranger et l’étranger de ses créances sur la France, ou de faire hausser les changes en faveur de celle-ci, en offrant, ainsi que le fait le Comité, d’acquitter les remises en argent ou en assignat. »

Mais, même en ce qui concerne particulièrement l’industrie, ce n’est pas seulement la Commune de Paris, ce ne sont pas seulement ceux qui sont animés de son esprit, qui menacent la bourgeoisie industrielle de saisir les fabriques et de les remettre à la nation.

Baudot n’était pas hébertiste : il avait même du mépris pour Hébert. C’était un dantoniste, mais dont la vigueur révolutionnaire était restée intacte. Or, aux Jacobins, le 21 juillet 1793, il avait prononcé contre les grands marchands égoïstes des paroles violentes :

« À Marseille, à Bordeaux comme à Lyon, des commerçants se sont rendus dépositaires de toutes les denrées et refusent de les donner, soit pour or ou argent ou pour les assignats qui valent encore mieux. Puisqu’ils tiennent