Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/911

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restera voilé jusqu’à ce que le peuple ait reconquis ses droits et écrasé la faction. La faction, c’était le parti dantoniste où ils affectaient de confondre Robespierre. Vincent dénonce la conspiration de Philippeaux, de Bourdon de l’Oise, de Chabot, « plus profondément ourdie, plus à craindre que celle de Brissot ». Et il fait appel à la guillotine pour épouvanter les factieux et les traîtres.

Carrier se lève pour dénoncer l’homicide pitié qui demande compte maintenant aux patriotes du sang royaliste qu’ils ont versé pour la Révolution :

« J’ai été effrayé, en arrivant à la Convention, des nouveaux visages que j’ai aperçus à la Montagne, des propos qui se tiennent à l’oreille. On voudrait, je le vois, je le sens, faire rétrograder la révolution. On s’apitoie sur le sort de ceux que la justice nationale frappe du glaive de la loi. Si un homme est condamné pour des délits étrangers à la révolution, leur cœur nage dans la joie, ils le suivent au supplice ; mais si c’est un contre-révolutionnaire, leur cœur se serre et la douleur les suffoque. Mais est-il un délit plus grave que celui de conspirer contre son pays, d’exposer des milliers d’hommes à une mort certaine ? »

Et il laisse échapper une protestation effrayante, le cri de colère du bon ouvrier auquel on prend son outil :

« Les monstres, ils voudraient briser les échafauds !

« Mais, citoyens, ne l’oublions jamais, ceux-là ne veulent point de guillotine qui sentent qu’ils sont dignes de la guillotine. Cordeliers ! vous voulez faire un journal maratiste ; j’applaudis à votre idée et à votre entreprise ; mais cette digue contre les efforts de ceux qui veulent tuer la République est de bien faible résistance ; l’insurrection, une sainte insurrection, voilà ce que vous devez opposer aux scélérats.

« Cordeliers, société populaire, vous dans le cœur desquels a toujours brûlé le feu sacré du patriotisme, soyez toujours les amis de la Révolution ; veillez, démasquez les traîtres qui voudraient vous anéantir, et la République impérissable sortira victorieuse et rayonnante de gloire du milieu des combats que ses ennemis lui livrent de toutes parts. »

Carrier fut très applaudi. Il n’avait pas nommé Robespierre ; mais c’est à Robespierre surtout qu’il pensait. Hébert, sans le nommer, le désigne par des allusions un peu voilées d’abord, puis directes et menaçantes :

« Vous frémirez quand vous connaîtrez le projet infernal de la faction ; il tient à plus de branches, à plus d’individus que vous ne le croyez vous-mêmes : cette faction est celle qui veut sauver les complices de Brissot, les soixante-six royalistes qui tous ont commis les mêmes crimes, qui, par conséquent, doivent de même monter à l’échafaud. Pourquoi veut-on les soustraire au supplice ? C’est que les intrigants se sentent dans le cas de la même punition ; c’est que d’autres intrigants veulent rallier autour d’eux ces royalistes, afin de régner sur eux-mêmes et d’avoir autant de créatures. »