Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/933

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les sociétés populaires. De presque partout des réponses lui parvinrent, et Barère annonçant à la Convention le résultat de cet immense travail statistique, avait raison de dire que jamais un peuple n’avait fait un pareil effort pour mettre en pleine lumière toutes les conditions et toutes les circonstances de sa vie. Ce travail énorme était à peu près achevé pour toute la France à la date du 1er Germinal, et le Comité de Salut public, secondé par la Commission des subsistances, veilla énergiquement à ce que partout il fût appliqué. Ainsi, le jour où il sera possible, par la publication des immenses documents d’archives relatifs au maximum qui ont à peine été explorés encore, de creuser l’histoire économique de la Révolution, il faudra distinguer la période qui précède le 1er Germinal, an II, et la période qui suit.

Il ne faudrait pas croire que, même avant le 1er Germinal, même avant la publication des tableaux dressés selon les bases précises arrêtées en Brumaire, la loi du maximum de septembre 1793 soit restée lettre morte. L’impatience du peuple de taxer les denrées de première nécessité était trop grande pour que les fabricants et marchands aient pu éluder entièrement la loi, si vague et insuffisante qu’elle ait été d’abord. Mais il me paraît (autant qu’il est permis d’en juger dès aujourd’hui) que la loi fut appliquée ou négligée dans la première période selon l’état d’esprit des municipalités. Et la façon même dont elle fut comprise varie selon que les municipalités sont plus ou moins populaires. Ainsi, à Paris, la Commune se hâta d’appliquer aux gros marchands la loi du maximum. Envers les petits détaillants, envers les revendeurs qui narguèrent la loi, la Commune semble avoir usé de beaucoup de tolérance. Et surtout, tandis qu’elle se hâtait de taxer les denrées détenues par le gros commerce, elle ne s’empressait pas d’impliquer la taxe des salaires. Aussi, les ouvriers, assez rares à cause de l’immense appel d’hommes fait par les armées et en tout cas très occupés à cause des livraisons incessantes que réclamait l’administration de la Guerre, bénéficiaient, comme acheteurs, de la taxe des denrées, et au contraire, comme vendeurs de travail, utilisaient la loi de l’offre et de la demande qui à ce moment-là leur était favorable.

Je note par exemple, dans un rapport de l’observateur Perrière, qui est de la fin de ventôse, ceci :

« Les garçons maçons et charpentiers ne veulent plus travailler que moyennant 6 livres par jour ; de décade en décade ils augmentent de 10 sous. Il en est de même des manœuvres dans ces deux états ; ils sont parvenus à se faire payer leur journée 3 livres, 10 sous. Si l’on fait difficulté d’acquiescer à leurs demandes immodérées, ils menacent de ne plus travailler… C’est ainsi qu’en m’en revenant hier au soir, vers les 9 heures, j’entendis des ouvriers rassemblés, au nombre de sept ou huit, au coin d’une rue, jurer entre eux de ne point retourner à l’ouvrage, cette résolution de