Page:Jaurès - Histoire socialiste, IX.djvu/103

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d’arrondissement n’auront-ils pas le droit de nommer leurs maires qui seront choisis par le pouvoir exécutif parmi les conseillers municipaux. On se défie du suffrage universel.

Bien d’autres mesures sont des échecs à la démocratie. Cavaignac avait débuté par ordonner la fermeture des clubs et la suppression des journaux réputés dangereux ; il était même allé jusqu’à séquestrer, de sa propre autorité, Emile de Girardin qui le gênait. Il maintenait l’état de siège. Il donnait ainsi à l’Assemblée un exemple qu’elle ne demandait qu’à suivre. Quand celle-ci apprit qu’on avait fermé les clubs dangereux, plusieurs membres crièrent : « Ils le sont tous ! » — On n’osa pas encore détruire purement et simplement la liberté de réunion ; mais on la réglementa. Dès le 11 Juillet, le ministre de l’intérieur, Senard, présente un projet en ce sens. Ainsi que tous les projets de ce genre et de cette époque, celui-ci commence par reconnaître le droit qu’il s’agit de restreindre ! Comme une victime antique, on enguirlande le principe en le sacrifiant.

On s’occupe d’abord des clubs. Déclaration obligatoire du local et de l’heure des séances ; défense de se constituer en comité secret ; réserve d’un quart des places au public et d’une place à son choix à un agent de l’autorité qui peut, sans avertissement préalable, dresser contravention et faire insérer dans le compte rendu les constatations qu’il croit nécessaires. Les membres du bureau doivent, pendant la délibération même, dresser un procès-verbal qui est signé par eux tous à la fin de la séance. Ils ne peuvent autoriser la discussion d’aucune proposition contraire aux lois, à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Et il est bien entendu que sous ces mots vagues est comprise toute attaque, non seulement contre les personnes, mais contre le principe de la famille et de la propriété. Aucune communication, aucune affiliation ne peut avoir lieu de club à club. Toutes les infractions aux formalités requises pour l’ouverture d’un club et pour la tenue des séances relèvent de la police correctionnelle ; les autres délits ressortissent au jury ; les peines sont, suivant les cas, l’amende, la prison, la suppression des droits civiques, la fermeture du club. Est-ce tout ? Non. Exclusion des mineurs et des femmes. Interdiction de prolonger les débats au-delà de l’heure où l’on ferme les cabarets. Défense d’avoir pour lieu de réunion un édifice communal ou national. On le voit, c’est le club isolé, surveillé, gêné de mille manières, sans cesse en danger de franchir la limite où s’arrête l’étroit espace qu’on lui concède pour se mouvoir, sans cesse exposé à des poursuites judiciaires pour la discussion d’une doctrine, pour la critique d’un fonctionnaire, pour un mot violent échappé à un orateur. La loi respire à son égard la méfiance la plus ombrageuse.

Après les clubs, même disposition soupçonneuse contre les réunions politiques non publiques qui ne peuvent exister sans la permission formelle de l’autorité municipale. Les cercles ou réunions n’ayant pas un but politique peuvent se former librement sous la seule condition d’une déclaration