Page:Jaurès - Histoire socialiste, IX.djvu/190

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France auprès du pape, Thiers enfin, qui dans une lettre rendue publique s’était déclaré prêt à sacrifier l’Université, tombée, disait-il, aux mains des phalanstériens, et qui, pour décider Falloux à entrer au ministère, s’était engagé à faire voter la loi en question. — C’était ce que Falloux, avec son audace ordinaire d’affirmation, appelait une réunion d’hommes choisis « sans exclusion ni préférence. » Thiers, nommé vice-président, devait présider de fait, tandis que Falloux, président de droit, allait s’effacer discrètement.

La Commission est d’accord sur deux points essentiels : évidence du péril social ; urgence du remède qui est l’éducation religieuse. Il est aisé après cela de s’entendre sur les points secondaires. On ne peut pas dire, à vraiment parler, qu’il y ait lutte. Les catholiques, obéissant à l’inspiration de Falloux, visent à pénétrer, absorber, Cléricaliser l’Université, au lieu de la détruire ; les Modèle:Erraum n’opposent à cet effort qu’une défense galante et consentent à se courber sous la main de l’Église en échange de la force conservatrice qu’elle apporte à la société.

Voici les épisodes et les résultats principaux de cette discussion à huis clos : D’abord transformation profonde de l’organisation antérieure. Sans bruit, presque par omission, l’Université se trouve dépouillée, non seulement de son monopole, mais de sa personnalité civile, de sa dotation, des fonds qui, lui appartenaient en propre, et remplacée par un service moitié public et moitié privé, dont le chef, qui n’a plus le titre de grand-maître, est le ministre de l’Instruction publique. Auprès de ce ministre siège un Conseil supérieur, où huit anciens membres du Conseil de l’Université nommés à vie forment une section permanente, mais où se rencontrent aussi, élus pour dix ans et rééligibles, sept ministres des différents cultes, trois Conseillers d’État, trois membres de la Cour de Cassation, trois membres de l’Institut, trois membres de l’enseignement libre. Ce Conseil, où le clergé occupe la place d’honneur, a la haute-main, non pas seulement sur les établissements d’enseignement privé, mais sur les Facultés, lycées, collèges, écoles, sur tout ce qui s’y enseigne et s’y passe, sur les programmes, sur les livres de classe et de prix, sur le personnel. Chose non moins grave ! Il est établi une Académie par département, ce qui est l’émiettement de l’autorité rectorale. Falloux, en un jour de franchise, définira ainsi la portée de cet article : Ce n’est pas l’Université multipliée par 86 ; c’est l’Université divisée par 86. » Cousin a senti le coup. Il s’écrie : « Je tiens ce projet pour la plus grande tentative contre-révolutionnaire qui se soit encore produite. » Thiers — qui pense de même, — dit : « L’Université sera enchantée d’avoir plus de places à donner » et il convertit Cousin au sacrifice. Près du recteur, qui peut être pris dans l’enseignement libre et qui devient un mince personnage, un Conseil académique où se trouvent le préfet, l’évêque et un de ses délégués (un pasteur et un rabbin, s’il y a lieu, deux magistrats, quatre membres élus par