Page:Jaurès - Histoire socialiste, IX.djvu/198

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le faire échouer au port. Falloux cessait d’être ministre et se retirait, malade, de la mêlée. Le prince-président disait il est vrai, à Montalembert qui s’inquiétait : « Rassurez-vous ! Vous aurez la liberté d’enseignement. Vous l’auriez plus large encore, s’il n’était à craindre d’en faire bénéficier les socialistes ». En outre le nouveau ministre de l’Instruction publique, de Parieu, était un catholique pratiquant qui allait tous les jours à la messe et portait, dit-on, un cilice comme un homme du moyen-âge. Un de ses premiers actes fut de supprimer le certificat d’études exigé des aspirants au diplôme de bachelier.

Cependant quand Pascal Duprat, le 7 Novembre, demanda que le projet fût renvoyé au Conseil d’État, par-dessus la tête duquel il avait passé, Parieu laissa faire et une coalition de républicains, de bonapartistes, peut-être de catholiques, décida ce renvoi devant un corps, qui, émané de la Constituante, était moins clérical que la Législative. Mais, surveillé, travaillé par les catholiques, soumis partiellement à une réélection prochaine qui dépendait de l’Assemblée, le Conseil d’État répondit mal aux espérances des républicains. Il subit surtout l’influence du ministre qui était un étatiste. S’il accorda moins à l’Église, il donna davantage au pouvoir central. Il appesantit sur les malheureux instituteurs « le bras de fer de l’Administration ; » il les mit à la discrétion du préfet. L’instruction primaire se réduisait presque, suivant l’expression du National, à n’être plus qu’une « affaire de police. »

C’est là l’idée maîtresse du ministre. Tandis que le projet révisé revient à la Commission parlementaire qui repousse les quelques modifications introduites par le Conseil d’État en faveur de l’enseignement public, Parieu dépose d’urgence un projet de décret destiné à régler pour six mois la situation des instituteurs. Il s’agit toujours de conjurer le péril social et l’on confère au préfet le droit de les réprimander, de les suspendre, de les révoquer, sans que les maîtres révoqués ou suspendus puissent ouvrir une école privée dans la commune où ils enseignent ni dans les communes limitrophes. Rigueur draconienne, arbitraire à peine corrigé par l’obligation imposée au préfet de prendre l’avis du Comité d’arrondissement avant de prononcer la révocation ! Cette petite loi, comme on l’appela, n’était qu’un prélude à la grande. Les catholiques craignirent un instant qu’elle ne lui fît tort ; mais le nuage qui s’était glissé entre le gouvernement et les catholiques s’était dissipé. Les instituteurs retombaient de Charybde en Scylla. De qui dépendraient-ils le plus ? De l’administration laïque ou du clergé. C’est à cette question qu’aboutissait pour eux une loi qui prétendait organiser en France la liberté de l’enseignement.

Le débat public s’ouvrit sur cette loi le 14 Janvier 1850, trois jours après le vote du projet Parieu. La discussion générale fut un brillant tournoi oratoire ; mais elle n’apporta point d’arguments nouveaux, ni pour, ni