Page:Jaurès - Histoire socialiste, IX.djvu/242

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sont dispersés. Ils ont pour la plupart renoncé à leurs visées de rénovation universelle pour faire leurs propres affaires ; ils sont devenus ingénieurs, financiers, économistes, hommes politiques, journalistes, etc., et ils n’ont plus guère entre eux qu’un vieux lien de camaraderie. Réunis quelques jours après le 24 Février par l’un d’eux, le banquier Olinde Rodrigues, ils n’ont pu s’entendre sur une action collective, et on le comprend. Beaucoup sont devenus conservateurs. Michel Chevalier, rallié aux doctrines de l’économie politique orthodoxe, les enseigne au Collège de France. Enfantin — le Père, comme on continuait à l’appeler — est, presque tout entier, absorbé par de grands travaux publics. Un autre a proposé d’instituer la Religion de la propriété. D’Eichthal découvre dans le choléra, qui a éclaté en 1849 comme en 1832, un châtiment divin destiné à punir le peuple français de deux révolutions. Laurent de l’Ardèche proclame Louis Napoléon un homme providentiel et il a de nombreux camarades dans l’entourage et dans la cour du prince. Il en existe cependant qui n’oublient pas de travailler, suivant leur programme primitif, à l’amélioration physique, intellectuelle et morale du plus grand nombre. Tels sont Carnot, Charton, Jean Reynaud, qui ont voué leurs efforts au développement de l’instruction publique. C’est encore sous une inspiration Saint-Simonienne que se répand à Paris la méthode simplifiée Galin-Paris-Chevé pour enseigner la musique au peuple, que se fonde une Société internationale des artistes qui vécut quelques mois L’ouvrier Vinçard va prêcher jusque dans la Bourse, où l’on se moque de lui, la réforme du crédit. Mais tout cela se fait au gré des individus, sans plan d’ensemble.

Les Fouriéristes sont plus unis. En disciples intelligents, ils interprètent, corrigent, développent, propagent la doctrine du maître. Plus rapprochés des bourgeois que des prolétaires, républicains de raison plus que de sentiment, ils ont pour organe la Démocratie pacifique et pour chef incontesté l’ancien officier d’artillerie, Considérant, devenu représentant du Loiret. Ils sont à peu près 2.000 qui versent des cotisations régulières : Just Muiron, Lechevalier, Cantagrel, Baudet-Dulary, Coignet, Hennequin, Bourdon, Transon figurent parmis leurs publicistes. À eux se rattachent encore Eugène Sue, Victor Meunier, Brissac, W. Gagneur, H. Destrem, Godin.

Cabet est le centre d’un autre groupement plus ouvrier, les Icariens, ainsi nommés du Voyage en Icarie où il a résumé leurs espérances communistes. Villegardelle est le plus connu d’entre eux. Leur organe est : Le Populaire. Leur nombre est difficile à évaluer. Cabet dit qu’au mois d’avril 1848 cinq à six mille personnes, dont mille femmes, prenaient part à leurs réunions.

Pierre Leroux, l’ex-rédacteur du Globe, de la Revue indépendante et de la Revue sociale, devenu imprimeur à Boussac, est l’apôtre de la perfectibilité