Page:Jaurès - Histoire socialiste, IX.djvu/301

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de s’émanciper par ses seules forces, l’intervention législative s’exerçait cependant en sa faveur. Le Gouvernement provisoire et même la Constituante, surtout à ses débuts et à ses derniers jours, se montrèrent disposés à améliorer les conditions de la vie ouvrière. L’un rendit des décrets, l’autre fit des lois en ce sens, mais déjà en restreignant ou en abolissant les décrets les plus hardis. Après quoi le mouvement se ralentit et cessa presque entièrement sous la Législative.

L’enquête sur le travail agricole et industriel. — La Constituante, dès le 6 mai, était saisie d’une proposition dont les signataires formaient un véritable arc-en-ciel : car on rencontrait parmi eux Wolowski, Considérant, Léon Faucher, Greppo, Falloux, etc. Elle avait pour objet la nomination d’une Commission, chargée de procéder à une en(quête sur la situation des travailleurs agricoles et industriels. Elle était votée à l’unanimité, le jour même où l’on refusait à Louis Blanc la création d’un Ministère de travail et du progrès. Compensation illusoire ! C’était substituer à un organe d’action, il un rouage du pouvoir exécutif, une vague réunion consultative dont il faudrait attendre longtemps les conclusions. Elle devait être de trente-six membres, fut nommée par les bureaux, puis se fondit dans un des grands Comités entre lesquels se répartit l’Assemblée, le Comité du travail, qui compta bientôt de 70 à 80 membres.

Ce Comité choisit pour président Corbon. Il écrivit à Louis Blanc pour lui offrir de prendre part à ses délibérations ; mais Louis Blanc, déjà poursuivi (23 Mai), ne crut pas devoir accepter une place dans un Comité hostile à ses idées. Le socialiste anglais Robert Owen, qui était alors à Paris, fut invité à y venir exposer son système, invitation qui ne parait pas avoir été suivie d’effet. Wolowski, Bastiat, Falloux, l’ouvrier catholique Peupin, le pasteur Coquerel, Waldeck-Rousseau, Morin, Rouher, Pascal Duprat, Michel Alcan, en furent les membres les plus actifs.

Ce Comité eut fort à faire. J’ai dit son rôle dans la question des Ateliers nationaux. Il eut de plus, comme avait fait la Commission du Luxembourg, dont il était une réduction parlementaire, à intervenir officieusement pour régler les différends entre patrons et ouvriers. Il eut surtout à étudier tous les projets relatifs au travail et aux travailleurs qui lui furent envoyés de l’Assemblée ou du dehors. On peut suivre, au jour le jour, dans ses procès-verbaux, la marche de l’opinion. Avant les journées de Juin, les proposition hardies, favorables aux ouvriers, y abondent ; après viennent des mesures de recul, détruisant ce qu’avait fait le Gouvernement provisoire ou ajournant des projets d’abord acceptés. Les partis réactionnaires trouvèrent pourtant que c’était trop d’entretenir un foyer d’étude des questions sociales ; car à l’Assemblée Législative, le 31 Juillet 1849, Roselli-Mollet, représentant de l’Ain, ayant demandé avec quelques collègues de gauche qu’on nommât une Commission de trente membres, pour examiner les propositions propres à favo-