Page:Jaurès - Histoire socialiste, IX.djvu/325

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10 fr. de rente devaient être achetés au nom du déposant. Une limite de 8.000 francs était fixée aussi aux dépôts des Sociétés de secours mutuels. L’intérêt était abaissé de 5 0/0 à 4 l/2. C’étaient là des dispositions qui étaient de nature à réduire l’afflux de l’argent épargné. Mais c’est une question de savoir jusqu’à quel point il est avantageux pour un peuple de garder immobilisée dans les caisses d’épargne une grande quantité de son capital, et si ce n’est pas le symptôme d’une inertie et d’une timidité peu favorables à la production et au commerce. En tout cas, les dépôts, à partir de ce moment, atteignent des chiffres moins élevés, et la diminution qui est notable prouve que la classe pauvre avait dû vivre sur sa réserve et qu’elle avait perdu, proportionnellement, durant ces années de trouble, au moins autant que la classe capitaliste.

ANNÉES NOMBRE DE LIVRETS
A LA FIN DE L’ANNÉE
VERSEMENTS OPÉRÉS
DANS L’ANNÉE
REMBOUR- SEMENTS SOLDE EN CAISSE
1847   736.951 127 millions 156 millions 358 millions
1850   565.995   98 millions   40 millions 135 millions
1851   611.086   97 millions   73 millions 158 millions


Les assurances. — Aux institutions susceptibles de la garantir contre les vicissitudes du sort il faut ajouter le projet du ministre Duclerc sur l’assurance universelle par l’État contre l’incendie. D’après ce projet, l’État se substituait à toutes les Compagnies d’assurances, en les indemnisant et en replaçant leur personnel. Il se faisait l’assureur de toutes les propriétés mobilières et immobilières. Désormais tous les risques de pertes seraient réduits à fort peu de chose, parce qu’ils seraient partagés entre tous les citoyens devenus solidaires les uns des autres. L’assurance obligatoire et mutuelle devenait un service public qui, ne visant pas à faire de bénéfices, garantissait les propriétés de chacun moyennant un minimum de frais. Le projet fut déposé en Juin 1848. Mais, suivant la marche ordinaire des choses, après les journées de Juin cette institution mutuelliste — qui fonctionne sans encombre aux portes de la France, par exemple dans le canton de Vaud — fut accusée d’être socialiste. Il n’en fallut pas davantage pour conserver aux Compagnies les beaux bénéfices qu’elles empochaient : le projet fut retiré par Goudchaux dès le 14 Juillet. Des projets d’assurances agricoles, contre la grêle, la gelée, l’épizootie, les inondations, reposaient sur les mêmes principes. On répétait après Lamartine que le plus puissant des secours, c’est celui de 35 millions d’hommes à 35 millions d’hommes. On comptait couvrir les risques par une cotisation obligatoire prélevée sur la valeur des produits ruraux ainsi assurés. Il devait y avoir une caisse spéciale, des commissions chargées d’estimer les pertes dont les 4/5 seraient rem-