Page:Jaurès - Histoire socialiste, IX.djvu/366

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de gens pour soutenir que c’était un avantage pour les villes au détriment des campagnes où la correspondance est moins active. C’était toujours la politique du chacun pour soi, brisant les liens de la solidarité entre les régions et entre les citoyens d’un même État. On leur assura que cela coûterait peu, que les recettes remonteraient vite au niveau déjà atteint et même le dépasseraient. Il y eut toutefois des hésitations, des reculs. La réaction eut ses remous jusqu’en ce domaine. L’expérience ne fut autorisée que jusqu’au 1er juillet 1850. Après quoi l’on remonta de 20 à 25 centimes ; et il fallut attendre plusieurs années pour qu’on en revînt au chiffre adopté en 1848. Cependant les statistiques attestaient dans le mouvement postal une augmentation qui se fît sentir dès le jour où la réforme fut mise en vigueur (1er janvier 1849). Les recettes de 1847 allaient être égalées dès 1854 malgré l’abaissement des tarifs, malgré la diminution que les lois répressives avaient infligée à la circulation des journaux et imprimés.

Postes
années nombre de lettres produit des taxes nombres des journaux produit des taxes
(lettres) et imprimés (Journaux et imprimés)
1847 120.480.000 45.048.000 90.275.000 2 millions 7
1848 122.140.000 43.9 129.193.000 3 — 8
1849 158.208.000 32.1 146.528.000 4 — 3
…. …. …. …. ….
1851 165.000.000 38.5 33.908.000 1 — 0

Les télégraphes commençaient aussi à se développer. En 1851, la France possédait 2,313 kilomètres de lignes télégraphiques et une vingtaine de stations qui avaient envoyé en un an 9,014 dépêches et rapporté 77,000 francs. Dès septembre 1851, un câble la reliait à l’Angleterre. Les partisans de la routine étaient voués à une défaite prochaine et décisive.

Quant aux voies de communication, on vota une loi sur la police du roulage, des fonds pour la création et l’entretien de chemins vicinaux, de routes, de canaux ; on réorganisa le corps des Ponts et chaussées ; on fit une enquête sur la marine marchande et le cabotage, etc. Mais la grosse question du moment est celle des chemins de fer. Le nouveau mode de locomotion est alors si fort en faveur qu’on lui sacrifie les autres, sans supposer qu’ils puissent un jour soutenir cette concurrence redoutable.

On sait quelle était alors la situation mixte des voies ferrées. La France bourgeoise de Louis-Philippe avait adopté à leur égard un système qui était un compromis. Elle n’avait pas osé les considérer comme une entreprise purement privée, fonctionnant à ses risques et périls, soumise au régime de la libre concurrence, exploitée commercialement sans autre but que d’obtenir le plus de bénéfices possible avec le moins de frais possible. Cela était bon pour l’Angleterre et les États-Unis, pays de minimum gouvernemental et