Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/132

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an II (3 août 1794), étaient arrivés à Paris en état d’arrestation Sonthonax et Polverel, commissaires civils délégués à Saint-Domingue, qui avaient été décrétés d’accusation le 16 juillet 1793 ; la Convention leur accorda, le lendemain (4 août), leur mise en liberté provisoire. Après la conquête de la Hollande, les Anglais exécutèrent leur ancien projet de mettre la main sur la colonie hollandaise du Cap ; le 23 septembre 1795, la ville du Cap capitulait. Le mois précédent, le 26 août, Trincomali, dans l’île de Ceylan, avait capitulé et l’île entière tombait bientôt sous la domination de l’Angleterre qui, l’année suivante, s’emparait de la Guyane hollandaise.

Tandis que le gouvernement anglais songeait à s’indemniser de cette manière, les États généraux des Provinces-Unies, fédération de sept provinces dont la plus importante était la Hollande proprement dite, décrétaient, sous l’inspiration de celle-ci, le 16 février, l’abolition du stathoudérat, la souveraineté du peuple batave, les droits de l’homme et du citoyen. Il restait à la République batave à s’entendre avec la République française. Les négociations furent laborieuses. À la thèse annexionniste des frontières naturelles soutenue par le comité de salut public et appréciée plus haut, les délégués bataves objectaient avec raison : « Quels que soient les droits du vainqueur pour des indemnités de guerre, ils ne peuvent pas être étendus au point de conquérir des peuples entiers contre leur gré » (Legrand, La Révolution française en Hollande, la République batave, p. 96) ; mais il fallut céder. Sauf la Zélande, la France prit, peut-on dire, tout le pays au sud de la Meuse. Le traité signé, le 27 floréal an III (16 mai 1795), à la Haye par Reubell et Sieyès comportait, en outre, une alliance offensive et défensive entre les deux républiques et une indemnité de cent millions de florins payable moitié tout de suite par le règlement de dettes de la France immédiatement exigibles à l’étranger, moitié en cinq versements échelonnés dans le délai d’un an. Ce traité fut ratifié, le 26 mai, par les États généraux néerlandais et, le 8 prairial (27 mai), par la Convention qui, le 9 vendémiaire suivant (1er octobre 1795), décréta l’incorporation à la France des territoires que lui attribuait ce traité et de la Belgique ; le difficile allait être d’imposer cette solution à l’Europe et surtout à l’Angleterre.

Malgré les conseils et les menaces de cette dernière puissance, la cour d’Espagne avait fini par se prononcer pour la paix. Mais, avec un roi imbécile, Charles IV, une reine débauchée, Marie-Louise de Parme, et un premier ministre, Manuel Godoy, favori du roi et amant de la reine, uniquement préoccupé de ses propres intérêts, cela ne pouvait aller sans de nombreuses tergiversations. En attendant, dans les Pyrénées orientales, Pérignon, après quelques essais infructueux pour franchir la Fluvia, restait sur la défensive. Son successeur, Scherer, arriva à Figueras le 10 prairial an III (29 mai 1795) et, le 26 (14 juin), eut lieu, sur la rive droite de la Fluvia, un combat dans lequel les deux partis s’attribuèrent la victoire ; il est certain que les troupes