Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/135

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Deux choses empêchaient le roi de Sardaigne, Victor-Amédée III, beau-père des frères de Louis XVI, d’abandonner la coalition, l’une l’envie de recouvrer la Savoie et Nice, que la Convention se refusait à satisfaire de bon gré, l’autre la crainte de l’Autriche qui, déjà maîtresse de la Lombardie, pouvait s’étendre en Piémont. Dans une conférence tenue à Milan en février 1795 par des officiers représentant l’Angleterre, l’Autriche et le roi de Sardaigne, une action concertée des forces sardes et autrichiennes avait été décidée ; mais le rassemblement des troupes impériales fut très lent, elles n’étaient prêtes qu’en juin. À ce moment, 45 000 soldats de la République devaient faire face, de la Méditerranée au mont Blanc, à 70 000 Austro-Sardes. Obligé, en outre, de tenir des troupes à la disposition des représentants en mission qui craignaient dans les départements le contre-coup des journées de germinal et de prairial, Kellermann ne pouvait prendre l’offensive avant d’avoir reçu des renforts importants. Si l’armée des Alpes déjouait plusieurs tentatives, sur le petit Saint-Bernard en floréal (mai) et sur le col de Tende en messidor (fin juin), à cette même époque l’armée d’Italie dut, après un échec, abandonner la position de Vado et se retirer sur la ligne de la Taggia. La contrée se trouvait épuisée, les approvisionnements étaient difficiles en territoire génois où les assignats n’étaient pas acceptés et impossibles du côté de la mer dont les Anglais étaient maîtres, surtout depuis le combat des îles d’Hyères (25 messidor-13 juillet). L’armée vivait au jour le jour grâce à l’abnégation des soldats et au dévouement des officiers donnant les uns et les autres leur argent, leurs montres, tout ce qui avait quelque valeur, afin d’acheter des vivres pour tous. Il y avait heureusement mésintelligence entre les Piémontais et les Autrichiens qui agissaient trop en maîtres. Les engagements se réduisirent à des escarmouches d’avant-garde et à des tentatives isolées telles que celle du duc d’Aoste sur le mont Genèvre qui échoua le 13 fructidor (30 août). La marche des troupes des Pyrénées acheminées vers l’armée d’Italie fut retardée par le manque de chaussures, et les nouvelles opérations ne purent sérieusement commencer qu’en brumaire an IV (novembre 1795) ; le 26 (17 novembre), nous étions prêts pour l’attaque. Kellermann avait remis, le 7 vendémiaire (29 septembre), le commandement de l’armée d’Italie à Scherer appelé à ce poste le 14 fructidor (31 août), et il prit, le même mois (début d’octobre), celui de l’armée des Alpes ; cette dernière armée, sans avoir à effectuer d’importantes opérations, devait durer officiellement jusqu’au 4 fructidor an V (21 août 1797).

La Suisse qui était encore la confédération des Treize-Cantons — la république de Genève n’était que son alliée — gardait une neutralité conforme à sa position géographique et servait de terrain, nous l’avons vu, aux négociations internationales menées par Barthélémy, ambassadeur de la République française en Suisse depuis le 22 janvier 1792. Le Danemark, sous Christian VII, et la Suède qui, depuis la mort de Gustave III, le 29 mars 1792,