Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/136

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avait pour roi un mineur, Gustave IV-Adolphe, sous la tutelle de son oncle, Charles, duc de Sudermanie, restaient neutres. Mais la Suède était une monarchie mendiante. M. de Staël, solennellement reçu, le 4 floréal an III (23 avril 1795), comme ambassadeur de la Suède, par la Convention, chercha à lui soutirer des subsides. La lutte à mener contre la France et l’insurrection polonaise avaient, peut-être autant que les rivalités de ceux qui en guettaient les dépouilles, épargné à la Turquie le sort de la Pologne. Le sultan Selim III n’était pas hostile à la France et avait même fini par reconnaître la République ; à Descorches, qui exerça en fait les fonctions d’ambassadeur, succéda en titre et en réalité Verninac arrivé à Constantinople en floréal an III (avril 1795). L’entente de la première République avec le sultan est l’équivalent de celle de la troisième avec le tsar ; ici comme là les principes ne commandent nullement de protester de parti pris contre de tels arrangements. Car prétendre subordonner les relations amicales des nations à la similitude de leur régime politique, c’est substituer, à la compréhension des conditions réelles de sécurité et de vie, l’outrecuidance de cerveaux s’imaginant pouvoir mener le monde au gré de leurs conceptions sans tenir compte de la réalité ; c’est agir conformément non à ce qui existe, mais à ce qu’on voudrait voir exister. Tout ce qu’on est en droit de demander, ce qu’il faut demander à ces ententes correspondant à une nécessité ou à une utilité du moment, c’est d’être une garantie pour la paix ou pour la défense sans faire de l’un des adhérents l’instrument d’un autre, c’est d’impliquer réciprocité d’avantages.

Telle était la situation en Europe, à l’heure où la Convention touchait à sa fin.

Au point de vue des étrangers originaires des pays en guerre avec la France, l’assemblée révolutionnaire fut, pour les personnes, moins accommodante que pour les biens (voir fin du chap. iv). Le 23 messidor an III (11 juillet 1795), elle décidait que tous ces étrangers « venus en France depuis le 1er  janvier 1792 », seraient tenus d’en sortir sous peine d’arrestation ; et, le 15 thermidor (2 août 1795), elle ajoutait que ceux qui ne se seraient pas conformés à la loi précédente, seraient regardés comme espions et poursuivis comme tels.

CHAPITRE X.

LE 13 VENDÉMIAIRE AN IV. — FIN DE LA CONVENTION.

(Messidor an III à brumaire an IV (juin à octobre 1795.)

On a vu (chap. vi) qu’une commission de onze membres avait été désignée le 4 floréal (23 avril) pour préparer, disait-on, les lois organiques de la Constitution ; trois de ses membres n’ayant pas accepté d’en faire partie, la