Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/322

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au contraire de vouloir ce que prétend le gouvernement, nous n’avions pas toujours annoncé que nous voulions remonter, fortifier les minces boutiques et les petits ménages, en y faisant rentrer au moins l’équivalent de ce que le brigandage légal en a fait sortir… Comme si nous n’avions pas toujours dit que nous ne voulions que démolir les fortunes colossales et améliorer toutes les autres… Comme s’il n’était pas constant que le Directoire a voulu nous payer, lui, pour être son complice et pour exister tranquille et protégé par lui. Comme s’il n’était pas encore constant que nous avons préféré, pour arracher le peuple à sa barbare domination, de marcher chaque jour à travers la misère et les périls, et de braver les nuées de satellites et les échafauds ».

Quant à l’argent, on ne peut pas dire que la seule somme qui vint d’une individualité non française était un subside « étranger » dans le sens coupable que le Directoire attribuait à ce mot et, par dessus le marché, elle ne fut pas utilisée : » La plus forte somme, dit Buonarroti (t. Ier p. 166), que le directoire secret eut à sa disposition fut celle de 250 francs en numéraire, envoyée par le ministre d’une république alliée ; elle fut saisie par les agents de police… le 21 floréal ». Il n’y avait alors qu’une seule république « alliée » de la République française, c’était la République batave ; mais celle-ci avait deux ministres plénipotentiaires à Paris : Jacques Blauw et Gaspar Meyer ; or, au sujet du premier, ancien magistrat de la ville de Gouda et habitant rue du Mont-Blanc, au coin de la rue Chantereine (actuellement Chaussée-d’Antin, au coin de la rue de la Victoire), c’est-à-dire près de chez Reys, sellier, où habita Babeuf et où se réunit le comité, on lit dans les Mémoires de Barras, à la date de prairial an IV (juin 1796) : « Le ministre Cochon vient faire un rapport contre des ambassadeurs soupçonnés de sympathie avec les opinions libérales, particulièrement contre M. Blauw, ambassadeur de Hollande, qu’il dit lié avec les Jacobins. Le Directoire se livrant aux injustices du ministre Cochon, décide que l’on demandera le rappel de l’estimable Blauw » (t. II, p. 148), et, à la date du 11 messidor (29 juin) : « L’ambassadeur Blauw désirait rester à Paris pour sa santé. L’estimable Hollandais n’est qu’un anarchiste, suivant Le Tourneur » (t. II, p. 160). De fait, Blauw ne tardait pas à quitter Paris, et Meyer resta seul pour représenter la République batave. Il est donc permis de supposer que c’est Blauw qui donna les 250 francs.

Peu rassuré par l’esprit d’une partie de la légion de police, le gouvernement voulut, le 9 floréal (28 avril), faire sortir de Paris les deux bataillons les plus remuants. Ceux-ci refusèrent d’obéir et le comité secret songeait à profiter de la circonstance lorsque, le soir même, un décret de licenciement, qui satisfit ces bataillons, calma leur effervescence. Le comité connaissait, depuis la fin de germinal (vers le 15 avril), l’existence d’un autre comité d’insurrection composé d’anciens Conventionnels, tels que Choudieu, Huguet, Javogues, Ricord, Amar et Laignelot. Craignant que, grâce à leur plus