Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/401

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actes ; malheureusement, le lundi de Pâques (28 germinal-17 avril), dans l’après-midi, la population de Vérone se jeta sur les Français ; hommes, femmes, enfants, malades furent cruellement frappés, et près de 400 succombèrent. D’autre part, le 1er floréal (20 avril), un corsaire français ayant jeté l’ancre, quoique ce fût défendu à tout bâtiment armé, dans le port du Lido, dont le barrage naturel sépare les lagunes de Venise de la pleine mer, émit la prétention de pénétrer dans les lagunes, les forts le canonnèrent ; le capitaine et des hommes de l’équipage furent tués. Se refusant à admettre les excuses et les réparations offertes, Bonaparte exploita impudemment ces deux faits. Le 8 floréal (27 avril), les Français étaient revenus en vainqueurs à Vérone, et ils s’y conduisaient d’une manière odieuse ; « à la barbarie des mouvements populaires, succédait la barbarie de Bonaparte » (Donnai, Idem, p. 175). Le 13 (2 mai), il déclarait ouvertement la guerre au gouvernement vénitien, du ton, son tour de coquin ayant réussi, dont Robert Macaire devait s’écrier : Enfin nous avons fait faillite ! Ce gouvernement avait déjà consenti à modifier sa constitution, lorsqu’éclata, le 23 (12 mai), une insurrection populaire secondée par le secrétaire de la légation française, Villetard, devant laquelle l’antique gouvernement aristocratique abdiqua. Un détachement français pénétrait, dès le 26 (15 mai), dans la ville ; le lendemain, le général Baraguey d’Hilliers faisait son entrée, et une municipalité provisoire était installée. Ce même jour, Bonaparte signait à Milan, avec trois délégués de l’ancien gouvernement ignorant la chute de celui-ci, un traité qu’il allait regarder comme valable pour dépouiller Venise, et comme nul, les pouvoirs des délégués disparaissant avec le gouvernement qui les avait mandatés, lorsqu’il s’agirait de tenir ses propres engagements. Toujours fourbe, il écrivait, le 7 prairial (26 mai), à la nouvelle municipalité, qu’il désirait voir « se consolider » la liberté de Venise (Correspondance de Napoléon 1er, t. III, p. 91) et, le 8 (27 mai), au Directoire, qu’il avait proposé à l’Autriche de lui donner, non seulement une partie du territoire vénitien, mais la ville même de Venise, à titre d’indemnité (Idem, p. 96 et 97). Plus tard, il prétendra que c’est le massacre de Vérone qui l’a poussé à livrer Venise, alors que ce massacre est du 28 germinal (17 avril) et que, le 27 (16 avril), il écrivait au Directoire avoir soumis au choix des plénipotentiaires autrichiens trois projets de la rédaction desquels il résulte que dans l’un, le troisième, l’indépendance de Venise était sacrifiée (Idem, t. II, p. 640). La nouvelle République vénitienne, malgré tous ses efforts pour satisfaire aux exigences de Bonaparte, malgré les cadeaux somptueux que Joséphine — comme Mme Chamberlain, le 31 janvier 1903, à Kimberley — fut cyniquement chargée d’aller se faire offrir, n’avait pas longtemps à vivre.

Dans sa lettre déjà citée du 7 prairial (26 mai) à la municipalité, Bonaparte lui proposait de l’aider à maintenir la suprématie de Venise sur les îles Ioniennes ; pour cela, il lui offrait d’expédier de concert des navires français