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et vénitiens qui protégeraient ces îles. La municipalité, dupe de ces avances, fournit de l’argent pour une expédition qui allait la dépouiller. Parti avec 3500 hommes, le 25 prairial (13 juin), le général Gentili débarquait à Corfou, le 11 messidor (29 juin), sans rencontrer de résistance, grâce aux Vénitiens qui l’accompagnaient. Une fois dans la place, il agit en maître, suivant ses instructions, jusqu’au moment où le traité de Campo-Formio régularisa la prise de possession accomplie. Un arrêté de Bonaparte du 17 brumaire an VI (7 novembre 1797) organisa en trois départements Cerigo (l’ancienne Cythère) au sud de la Grèce, les îles Ioniennes, dont les principales sont Corfou, Leucade ou Sainte-Maure, Céphallénie, Thiaki (l’ancienne Ithaque) et Zante, et les établissements vénitiens des côtes d’Albanie. Sur ces côtes, par cette acquisition, la France devenait voisine d’Ali de Tebelen, qui s’était taillé une sorte de vice-royauté dans l’Albanie comme pacha de Yanina. Il avait écrit à Bonaparte, le 1er juin, lui manifestant son admiration et lui demandant l’envoi de deux maîtres canonniers pour instruire ses soldats ; quoique sa perfidie fût connue, Bonaparte se laissa prendre à ses flatteries, lui envoya les deux canonniers et prescrivit à Gentili d’entretenir de bonnes relations avec lui, ce dont on ne devait pas tarder à se repentir. Le 30 frimaire an VI (20 décembre 1797), le général Chabot remplaçait à Corfou Gentili qui était malade et qui mourut pendant son voyage de retour. Nos agents eurent pour mandat d’engager les populations grecques à secouer le joug de la domination turque dont, dans une lettre du 29 thermidor an V (16 août 1707), Bonaparte annonçait la chute prochaine (chap. xvii).

Au moment où Bonaparte allait enlever les îles Ioniennes à Venise, les Autrichiens, en vertu des articles secrets de Leoben, envahissaient les territoires vénitiens en Istrie et en Dalmatie, où ils avaient pénétré le 10 juin. Malgré ses inquiétudes en face de ces envahissements, Venise ne soupçonnait peut-être pas encore toute l’étendue de son malheur. Une des conséquences de l’occupation de Venise par les troupes françaises fut le départ, dans la matinée du 16 mai, sous la protection de la légation russe, de l’intrigant royaliste d’Antraigues, dont il a été question dans le chapitre viii ; mais il fut arrêté, le 3 prairial (22 mai), par Bernadotte, à Trieste, et on saisit d’importants papiers dans son portefeuille. Conduit à Milan où on l’interrogea, il s’évadait le 8 fructidor (25 août).

Nous avons vu (chap. xiv) que la République de Gênes avait traité avec la France ; cependant ses rapports avec l’envoyé français Faipoult, qui était à Gênes depuis le mois de germinal an IV (avril 1796), n’en furent pas améliorés. Le 3 prairial an V (22 mai 1797) éclata une insurrection dans laquelle, malgré certaines affirmations, Faipoult, qui, contrairement à ses prédécesseurs ne se mêlait pas d’encourager le parti révolutionnaire, ne fut pour rien, ainsi que l’a démontré M. R. Guyot (Révolution française, revue, du 14 juin 1903, p. 524, note, et suiv.). Durant la lutte, quelques Français