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traité de Campo-Formio devait agrandir aux dépens de Venise en la portant jusqu’au lac de Garde ; quelque temps avant ce traité, les paysans de la Valteline, sujets des Grisons et désireux d’être indépendants, s’étaient laissés aller à accepter la médiation de Bonaparte qui, le 19 vendémiaire an VI (10 octobre 1797), les enlevait aux Grisons, mais pour les annexer à la République cisalpine. Le 3 ventôse an VI (21 février 1798), à Paris, était signé avec cette république un traité, que ratifiait pour la France la loi du 27 ventôse suivant (17 mars). La Cisalpine était reconnue « comme puissance libre et indépendante » ; cependant il dépendait de la République française de l’engager à son gré dans une guerre (art. 3), et la réciprocité n’existait pas, les troupes françaises, maintenues chez elle à ses frais, pouvant être retirées à volonté par le gouvernement français (art. 7),

La formation de la Lombardie en État indépendant avait permis au Directoire de tourner un article de la Constitution. Dès le début de l’an V (octobre 1796), des Polonais avaient demandé à servir dans les armées françaises ; mais l’art. 287 de la Constitution de l’an III portait : « Aucun étranger qui n’a point acquis les droits de citoyen français ne peut être admis dans les armées françaises, à moins qu’il n’ait fait une ou plusieurs campagnes pour l’établissement de la République ». C’est ce que le ministre de la guerre, Petiet, répondit au général polonais Dombrowski, le 9 brumaire an V (30 octobre 1796), et il l’invita à s’adresser à la Lombardie. Le 9 janvier 1797, une convention était conclue entre l’administration générale de celle-ci et Dombrowski qui, le 20, lançait une proclamation pour appeler ses compatriotes. Le 9 février, la première légion polonaise était constituée à Milan, elle comptait 1 127 hommes divisés en 2 bataillons (Dufourcq, Le régime jacobin en Italie, p. 329, note). Dès la fin de 1797, cette légion se dédoublait et, vers le 20 novembre 1798, l’une des nouvelles légions comptait 2 957 hommes et l’autre 2 700 (Revue d’histoire rédigée à l’état-major de l’armée, numéro de juillet 1903, p. 83).

Le Directoire avait été surpris par la signature du traité préliminaire de Leoben au moment où il allait s’entendre avec Venise ; si deux de ses membres, Carnot, le protecteur de Bonaparte, et Le Tourneur étaient hostiles à Venise, deux autres, La Revellière et Reubell, lui étaient favorables ; le cinquième. Barras, offrit à l’ambassadeur vénitien à Paris, Querini, de lui vendre son vote. Ce honteux marché, qui pouvait sauver Venise, venait d’être conclu et approuvé par le gouvernement vénitien (20 avril 1797), lorsque parvint la nouvelle de la convention de Leoben qui compliqua d’autant plus la situation que le Directoire tenait à ménager à la fois l’auteur de la convention, Bonaparte, et l’opinion publique, réfractaire à toute violation du droit de Venise. Après quelques hésitations, le Directoire se décida cependant à approuver, par une lettre du 25 messidor (13 juillet), la conduite de Bonaparte « notamment à l’égard de Venise et de Gênes » (Moniteur du 1er thermidor-19 juillet).