Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/420

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l’Autun, dont, le 18 fructidor an III (4 septembre 1795), la Convention avait autorisé la rentrée en France, et que protégeait actuellement Barras à qui l’avaient chaudement recommandé pour ce poste Mme de Staël et Benjamin Constant ; Cochon, à la police, par Lenoir-Laroche, auquel succédait le 8 thermidor (26 juillet) Solin, le 25 pluviôse an VI (13 février 1798) Dondeau et, le 27 floréal (16 mai), Le Carlier ; Benezech, à l’intérieur, par François (de Neufchâteau) ; Truguet, à la marine, par Pléville-Le Pelley qui, démissionnaire, avait, le 8 floréal an VI (27 avril 1798), Bruix pour successeur ; Petiet, à la guerre, par Hoche. Ce dernier n’avait pas encore l’âge de trente ans exigé par la Constitution ; si on passa outre, quitte à revenir sur cette nomination, c’est qu’on en escompta l’effet moral : à elle seule, elle prouvait à tous que Carnot avait perdu son influence. Hoche étant connu pour être hostile aux modérés et pour détester Carnot « qui l’avait fait destituer et enfermer au temps de la Terreur » (Sorel, Bonaparte et Hoche en 1797, p. 287 ; voir aussi Iung, Bonaparte et son temps, t. II, p. 422).

Les deux partis en présence en étaient arrivés à ne plus compter que sur la force armée. Le premier projet des réacteurs avait été de s’assurer par la corruption la majorité dans le Directoire, pour « adapter la Constitution de l’an III à la monarchie » (Sciout, Le Directoire, t. II, p. 479) ; ils avaient cherché un appui auprès du pape et sollicité, comme on l’a fait depuis, l’intervention de cet étranger dans les affaires intérieures de la France. M. Dufourcq (Le Régime jacobin en Italie) reconnaît les rapports entre « les députés catholiques des Conseils et la papauté romaine » (p. 54), et donne, à la page suivante, le texte inédit d’une lettre du royaliste Camille Jordan suppliant, encore le 29 juillet 1797, Pie VI d’ordonner aux prêtres de se rallier à la République pour le plus grand profit de la religion, du Saint-Siège et, ajouterai-je, des monarchistes. En constatant que, décidément, Barras qu’ils estimaient avec raison tout à fait digne de s’entendre avec eux, leur échappait, ils perdirent leur espoir de réussir en conservant les apparences de la légalité. Si les deux partis se préparaient à employer la violence, chacun d’eux attendait que l’autre lui fournît un prétexte à cet emploi. Des deux côtés, c’était d’un général qu’on attendait, en fin de compte, le salut ; les réacteurs se confiaient à Pichegru, et, à en croire les Souvenirs du lieutenant général comte Mathieu Dumas, de 1770 à 1836, publiés par son fils, Kleber se serait offert pour ce rôle (t. III, p. 115) ; la majorité du Directoire songea d’abord à Hoche qui n’était pas dangereux pour l’avenir, comme le paraissait Bonaparte dont on connaissait l’ambition ; dans Mon examen de conscience sur le 18 brumaire, J.-M. Savary raconte (p. 6-7) que Bonaparte, « en envoyant au Directoire les drapeaux de la garnison de Mantoue, au mois de ventôse an V, avait chargé confidentiellement celui qui devait les présenter, de diriger le mouvement, de s’en rendre maître et de l’appeler, s’il était possible, au Directoire. Il devait, en tout cas, faire nommer B… (Berthier) qui