Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/490

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ment Le Joysle, « véritable officier républicain », a dit M. Charles Rouvier (Histoire des marins français sous la République, p. 370), dont les « dernières paroles furent des vœux pour la République, des encouragements à son équipage » (Idem, p. 399). Au début des hostilités, Ali de Tebelen qui, en flattant Bonaparte, avait gagné sa confiance, s’était emparé de Prevesa, ville que nous détenions sur les côtes d’Albanie, et avait fait écraser, le 2 brumaire (23 octobre), à Nikopolis, 700 de nos soldats par 4 000 fantassins et 3 000 cavaliers ; la plupart des prisonniers furent martyrisés. En mai 1799, la flotte russo-turque proposition devant Ancône ; levé provisoirement le 20 prairial (8 juin), le blocus fut repris à la fin de juillet : le général Monnier, que les troupes autrichiennes cernaient sur terre, ne capitula qu’à bout de ressources (21 brumaire an viii-12 novembre 1799).

La Porte travaillait en même temps à soulever contre la France les États barbaresques. Si l’envoyé impérial ne réussit pas auprès de Mouley-Soliman, sultan du Maroc, plus indépendant que les trois régences, le dey d’Alger, Mustapha, faisait arrêter, le 29 frimaire an VII (19 décembre 1798), le consul français et lançait, le 8 nivôse (28 décembre), six corsaires algériens sur les côtes de France ; avec moins de passion, le bey de Tunis, Hamoudah, n’en ordonnait pas moins, le 15 nivôse (4 janvier 1799), l’arrestation de notre agent consulaire et la séquestration de quelques bateaux ; le pacha de Tripoli, Yousouf, agissait dans le même sens, le 10 pluviôse (29 janvier), mais avec encore plus de mollesse, malgré les manœuvres des Anglais. À son tour, le Directoire prenait contre les trois régences des mesures coercitives et, le 27 pluviôse an VII (15 février 1799), autorisait la course contre elles et la saisie de leurs marchandises même sous pavillon neutre. Il aurait été préférable de s’arranger avec elles, ce qu’on aurait pu faire assez vite si on avait eu de l’argent en caisse : des cadeaux et la restitution de sept millions que la France leur devait en vertu d’anciens comptes — le dey d’Alger, notamment, avait, le 11 messidor an IV (29 juin 1796), prêté pour deux ans 200 000 piastres fortes, soit un peu plus d’un million de francs (Archives nationales, AF iii, dossier 1940) — auraient sans doute assuré la sécurité de nos côtes et permis de ravitailler Malte.

Nelson, nous l’avons vu, s’était éloigné de l’Égypte, le 19 août 1798, pour se rendre dans la baie de Naples. Reçu en triomphateur par la cour, il devint l’amant, la chose, d’une aventurière, Emma Harte, femme de l’ambassadeur anglais à Naples, William Hamilton, et favorite, dans le sens le plus ignominieux, de la reine Marie-Caroline, qui associait sans effort les pratiques de la dévotion à celles de toutes les débauches. Les Maltais s’étant, un mois après Aboukir (16 fructidor-2 septembre), soulevés contre les Français, avaient été appuyés par des vaisseaux portugais, retour d’Égypte, et anglais. Nelson s’arracha des bras de lady Hamilton — parlant, dans une lettre à lord Spencer, de cette femme, de son mari et de lui-même, il disait : « à nous trois nous ne