Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/510

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pas les auteurs du crime… Il faut toutefois reconnaître que l’on n’y parviendra pas sans difficulté. Mais il est hors de doute que ; pour y arriver, il importe sans parler des efforts d’intelligence qu’il y aura lieu de faire, d’exiger de tous ceux qui savent quelque chose de l’affaire, qu’ils continuent à garder le silence qu’ils ont observé jusqu’ici. »

En présence de ces deux lettres dont l’authenticité est incontestable et incontestée, qui n’étaient destinées qu’à l’empereur, on est, sans avoir le moindre parti pris, fondé à faire retomber la responsabilité de l’assassinat sur des officiers autrichiens. Malgré notre ignorance des détails de l’affaire et des ordres mêmes donnés par les principaux coupables, les affirmations confidentielles de l’archiduc, d’un homme bien placé pour savoir la vérité, que ce qu’il se voit forcé de reconnaître affecte péniblement, qui, ne cherchant qu’à sauver Schmidt en transmettant ses aveux, est évidemment plus porté à atténuer la culpabilité qu’il signale qu’à l’aggraver, ses affirmations, dis-je, ne sauraient être infirmées que par des preuves décisives. Au lieu de ces preuves, le capitaine Criste apporte ses convictions intimes, c’est insuffisant. Il ne nie ni la lettre de Schmidt à Mayer, ni les instructions de Mayer à Merveldt, ni les dispositions prises en conséquence par Merveldt et le chef de son aile droite Görger, mais il interprète ces documents capitaux d’une manière favorable à sa thèse ; seulement, par un malheureux hasard, « il a été impossible de retrouver » les documents par lui interprétés sans les avoir vus (p. 48). Cet auteur si fécond en interprétations et en suppositions dépourvues de tout contrôle, reproche à l’archiduc de s’en être tenu à des « appréciations » (p. 183). Cependant, dans la lettre du 18 mai, l’archiduc renvoie à « l’annexe n° 1 » relative à l’« idée » émise par Schmidt ; or, avec une régularité vraiment fâcheuse pour ses interprétations, M. Criste nous apprend (note de la p. 180) qu’il a été impossible de retrouver cette annexe. Enfin, très difficile pour les autres et content de peu pour lui-même, M. Criste triomphe parce que, « en 1819, vingt ans après l’attentat », dans une histoire de sa campagne de 1799 destinée à être publiée, l’archiduc Charles a écrit : « On ignore jusqu’à ce jour quels ont été les auteurs de ce crime. Il appartient à la postérité de découvrir et de dévoiler ce secret » (p. 406). Je me bornerai à faire remarquer que cette attitude est tout à fait conforme à celle qui a prévalu et que l’archiduc conseillait, confidentiellement à l’empereur dans la lettre du 2 septembre, où il se montrait si préoccupé d’établir « aux yeux du monde l’honneur et la dignité du gouvernement impérial » (p. 384) ; cela prouve que l’archiduc avait de la suite dans les idées et pas autre chose. À l’occasion de ces assassinats, un rapport sur le mois de floréal an VII (avril-mai 1799), mentionné par M. Rocquain. (L’état de la France, au 18 brumaire, p. 379), signale « les démonstrations d’une joie, impie qu’ont fait paraître les royalistes de quelques départements (Cher, Rhône, Alpes-Maritimes, etc.) au récit de nos revers  ». Braves patriotes ! Dignes précurseurs