Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/526

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défaite ; peu importait que Souvorov réussît à déboucher du Saint-Gothard, si la déroute préalable de ses lieutenants le laissait seul en face de Masséna.

Il ne fallait pas que l’ennemi eût vent de ce qui se préparait ; « les ordres du général en chef, dit Jomini, furent suivis avec un secret et une précision que l’on ne saurait trop admirer » (Idem, p. 250). Dans la matinée du 3 vendémiaire an VIII (25 septembre 1799), la Limmat était franchie sur un pont de bateaux et, pendant que des démonstrations sur divers points occupaient certains corps de Korsakov, le gros de ses forces campé en avant de Zurich était obligé de se réfugier sous les remparts de cette place. Le 4 (26 septembre), sur le point d’être cerné, Korsakov attaqua avec impétuosité pour s’ouvrir un passage vers le nord. L’avant-garde passa, le reste éprouva des pertes considérables. Par Bülach, les débris de l’armée russe gagnèrent en désordre la rive droite du Rhin. En même temps que la bataille de Zurich nous rendait la ligne de la Limmat et Zurich, Soult attaquait Hotze sur la ligne de la Linth. Dès les premiers coups de feu, le 3 (25 septembre), Hotze était tué ; son armée, complètement battue, se retirait, après une tentative infructueuse, le 4 (26 septembre), d’abord derrière la Thur, dans sa partie supérieure, puis, par Saint-Gall, sur le Rhin, qu’elle traversait à Rheineck. Le corps de Jellachich était à son tour repoussé à Näfels sur la Linth, rétrogradait vers Walenstatt et continuait, le 6 (28 septembre), son mouvement de retraite par Sargans et Ragatz.

Retenu, nous le savons, jusqu’au 25 fructidor (11 septembre) en Italie, Souvorov atteignait Airolo le 1er vendémiaire an VIII (23 septembre), et Altdorf le 3 (25 septembre), après avoir dû arracher pied à pied le Gothard aux troupes de Lecourbe, que celui-ci rassembla sur la rive gauche de la Reuss ; là, il apprit qu’il était envoyé à l’armée du Rhin, en remplacement de Muller chargé d’un autre poste. D’Altdorf, où il reçut « la bénédiction du curé » (Moniteur du 20 et du 22 vendémiaire-12 et 14 octobre), Souvorov se porta, le 5 (27 septembre), vers Schwyz ; c’est durant cette marche, lorsqu’il comptait être rejoint par Jellachich, à qui il avait donné rendez-vous en ces lieux, et tomber avec lui sur l’armée de Masséna rejetée, suivant ses instructions, de son côté par Hotze et Korsakov, qu’il apprit le désastre de ses lieutenants. Arrivé trois ou quatre jours trop tard pour les soutenir, il avait à lutter non plus pour achever une victoire, mais pour échapper à l’anéantissement. Impossible de revenir sur ses pas ou de continuer sur Schwyz ; à sa droite, il n’y avait que la brigade Molitor ; aussi, le 8 (30 septembre), il marcha contre elle et l’obligea à reculer jusqu’à Näfels ; mais là, le 9 (1er octobre), malgré tous ses efforts, il ne put l’entamer ; ce même jour, son lieutenant Rosenberg remportait un succès sur Masséna. Néanmoins, le lendemain, en dépit de son orgueil démesuré, de sa rage folle, de ses ridicules invocations à la Providence et à « la Sainte Vierge » (Costa de Beauregard, Un homme d’autre-