Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/533

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l’an III, venait s’ajouter aux motifs d’abstention indiqués plus haut. « Presque personne ne voulait assumer les responsabilités du pouvoir. C’est un spectacle curieux de voir, en certaines localités, les élus s’obstiner à refuser les charges dont on les investit » (Camille Bloch, revue la Révolution française, février 1904, p. 157). Cet état de choses avait persisté, comme le prouve la citation suivante faite pour l’an VI : « Les administrations sont d’autant plus difficiles à renouveler que, parmi les patriotes eux-mêmes, beaucoup sont las, désillusionnés, et s’écartent des fonctions publiques. Il en est aussi qui les acceptent sans les remplir ou les déconsidèrent en soignant trop visiblement

Caricature contre Scherer
(D’après une estampe du Musée Carnavalet.)


leurs intérêts personnels » (Chassin, Les Pacifications de l’Ouest, t. III, p. 235). Si on trouvait difficilement des citoyens acceptant les fonctions électives dans les municipalités ou dans les tribunaux, là même où il y avait des élus, pour un motif ou pour un autre, aussi variable que sa politique, le gouvernement substituait assez souvent à ceux-ci des agents de son choix.

Au dégoût chez certains d’une action électorale vaine, de la participation, en général, à la vie publique, que la centralisation contribua à développer, dégoût et centralisation qui allaient bientôt faciliter l’œuvre de Bonaparte, s’ajoutaient pour beaucoup les souffrances résultant d’une situation matérielle mauvaise. J’ai déjà eu l’occasion de signaler la malheureuse position de la plupart des rentiers (fin du chap. xv, chap. xvii § 2 et chap. xviii) ; ayant placé toute leur fortune, petite ou grosse, en rentes sur l’État, ils ne touchaient, et encore avec d’énormes arriérés venant aggraver la réduction subie, que des bons dépréciés ; ce papier avili ne leur donnait pas de quoi